SPORT ET MEDIAS : OVERDOSE OU SYMBIOSE ?


 
 

En face de ce paysage médiatique diversifié et relativement prospère, la télévision apparaît étroitement limitée avec d’un côté les grandes chaînes qui ne rendent compte que des sports les plus populaires et les chaînes thématiques, présentes seulement sur les nouveaux réseaux et le plus souvent payantes. Dans cette symbiose conflictuelle (!) les premières captent l’essentiel de l’audience et suscitent le plus grand nombre d’analyses socio-économiques et de débats politiques sur l’accès libre et gratuit aux finales des grandes compétitions, la place des sports minoritaires, le poids des sponsors, le recours au dopage, la recherche effrénée du profit, etc. Les secondes sont toujours à la recherche d’un modèle économique rentable : la diversification de la presse écrite ne leur est pas directement transposable car les budgets sont toujours nettement plus importants. Là où la presse écrite peut se contenter de rapporter et d’illustrer un événement, la TV est quasiment contrainte de mettre en scène la compétition, de la faire ressembler à un film ou une série avec des règles dramaturgiques aussi strictes que contraignantes et coûteuses en équipes de tournage et de montage, en habillage de plateaux ou en postproduction. Le moment où l’on pourra avoir autant de choix de chaînes thématiques sur tous les sports du monde du bout de sa télécommande que dans un kiosque à journaux n’est pas pour demain ! D’autant que le web progresse plus rapidement et pourrait bien

occuper le marché en profitant du feedback des spectateurs/amateurs, devenant des correspondants locaux, à l’instar des sites d’opinion de consommateurs.
Comme souvent en matière de tendances médiatiques, c’est du côté de la radio qu’il faut chercher les prémices des évolutions futures, des symbioses prospectives avec les podcasts qui permettent de récupérer très facilement voire automatiquement des émissions de toute nature sur son ordinateur, son téléphone, son ipod ou son baladeur mp3. À quand des webcasts accessibles et pratiques offrant des analyses ou des témoignages intéressants sur les événements sportifs grands ou petits ?

Enfin, et ce n’est pas le moins important dans l’examen des relations entre sport et médias, la presse écrite, parlée ou télévisuelle devrait pouvoir apporter une valeur ajoutée de professionnalisme bien visible dans le traitement de l’information : celle de l’explication, du commentaire, de la mise en perspective, y compris lorsqu’il s’agit de mettre à distance le traitement médiatique lui-même. Ce serait une symbiose interprétative, passionnante, mais qui reste à inventer. On en trouve des exemples frappants sur le web, avec par exemple la schématisation et l’analyse de toutes les positions de jeu des grands matches de football, voire la modélisation graphique des stratégies de passes et leurs résultats.

Le sport et les médias possèdent des vertus qui s’amplifient (d’où les audiences) : l’incertitude de l’issue, le dépassement de soi, l’esprit d’équipe, la ténacité, etc. Il en est une qui demeure moins spontanément citée : l’intelligence collective. Pourquoi le sport et les médias ne construiraient-ils pas ensemble une symbiose intelligente ?




JLM


Article paru dans le programme officiel du Festival international du Scoop et du Journalisme d’Angers en 2006.

Novembre 2006



Overdose ou Symbiose ?


Un million de matches de football par an en France, soit plus de 19 000 par semaine.
26 millions de Français déclarent faire du sport au moins une fois par semaine dont 15 millions de licenciés avec un tiers de femmes.
3 h 26 devant un poste de TV en 2005 (Médiamétrie) dont 8 à 40 % consacrés au sport selon les chaînes (TF1 en diffuse très peu et Canal + beaucoup, ce qui recoupe leur positionnement respectif).
Ce simple constat chiffré illustre l’interdépendance absolue entre le sport et les médias. L’un étant indispensable à la survie de l’autre, est on dans l’overdose ou la symbiose ?
L’overdose concernerait plutôt les grands sports et les grands médias - essentiellement télévisuels - avec le tennis, le football, le cyclisme et la formule 1 qui rassemblent les plus gros budgets et les audiences premium. Fort loin derrière, la cohorte des « petits » (rugby, basket, handball, voile, athlétisme, etc.) essaie de survivre ou de se développer en cherchant des solutions innovantes. Certains souhaitent rester modestes, d’autres, comme le rugby, ambitionnent d’entrer dans la cour des grands.
L’overdose est souvent stigmatisée et analysée : adaptation des règles de jeu aux demandes des diffuseurs, augmentations « délirantes » des droits de retransmission, fragilisations des clubs dont les financements deviennent de plus en plus tributaires des TV, diffusions massives et exaspérantes (pour les non accros), etc.
La symbiose est moins étudiée. C’est pourquoi elle va être examinée en se demandant si cette interdépendance entre sport et médias peut apporter du positif.

Depuis ses origines la PQR annonce, rapporte, illustre, commente les événements sportifs de tous types et de tous niveaux car il y va de la fidélité de ses lecteurs et en définitive de sa pérennité. Ajoutons que la spécificité de l’écrit s’adapte mieux à la diversification des besoins : si la maquette est bien conçue, l’escrimeur, le tireur à l’arc, le coureur ou le vttiste iront directement vers leur activité de prédilection. C’est une forme de symbiose douce, qui exigerait cependant une meilleure qualité rédactionnelle, passant par de bonnes formations pour les correspondants leur évitant la grandiloquence, l’imprécision ou le délayage. Quant à la presse périodique spécialisée, elle apporte les informations propres à quasiment tous les sports, aussi minoritaires ou exotiques soient ils. Et les annonceurs qui cofinancent sont sûrs de leurs cibles, ce qui accroît la viabilité économique. La diversification n’a de limite que les variables d’une bonne adéquation entre public, annonceurs et contenus. Existe t-il encore des activités sportives non représentées dans l’offre d’un grand kiosque à journaux ?

À ce modèle traditionnel s’ajoute le web avec ses évolutions permanentes qui symbolisent une symbiose féconde. Les sites internet des journaux et des magazines offrent une bonne complémentarité avec leur version papier, notamment en réservant leurs services à valeur ajoutée à leurs abonnés : sur la toile, l’innovation est sans cesse au rendez-vous : historique des performances, statistiques, photos à la demande, extraits de films, liens vers des sites étrangers, blogs de stars ou d’amateurs, forums de discussion, etc. Certains sports très récents peuvent être d’abord représentés sur le net en prélude à la création d’un magazine spécialisé dont les études marketing auront été facilitées par les échanges entre amateurs suscités par le site. Comme quoi, l’immatériel peut engendrer, dans certaines circonstances, du matériel...