L’aventure Nikon

 

Une évolution majeure… pas une révolution !




J’ai été invité en octobre 2018 à essayer le Nikon Z7 par le Studio Gonnet.

Voici le compte rendu que j’en ai fait.

Ce n’est pas l’enthousiasme, loin de là malgré le concert de louanges que l’on peut lire partout ou presque.


Je ne parlerai pas de ce qui a déjà été dit - très bien - par Nikon Passion (technique de ces boitiers, AF, montée en Iso, silence, etc.) si ce n'est pour confirmer - et féliciter encore une fois JC de NP .

Je veux juste exprimer le trouble d'un photographe qui a quasiment toujours utilisé des reflex et attache une grande importance au viseur sans jamais regarder l'afficheur de l'écran arrière (sauf en cas de clichés à très grand contraste).

Pour moi, c'est la déception mais aussi la surprise devant l'absence de critiques sur ce viseur et la façon dont les photographes pros le décrivent comme aussi bon que celui d’un reflex.


Si je commence par le positif : ce viseur est bien meilleur que ceux des Fuji ou Sony A7.


Ensuite, le négatif :

  1. 1. Le pompage entre zones claires et sombres, très sensible si on bouge légèrement le boitier. Le capteur (et son soft) cherchent à compenser tout le temps, de sorte que des zones entières sont noires ou cramées. Pas pratique pour apprécier ce qu’on photographie. La comparaison avec un viseur optique est terrible. J’avais apporté – pour sourire – un vieux F avec son 1,4/50 mm.

  2. 2. Le trou noir après le déclenchement : il est bref, certes, mais on perd le contrôle, c’est gênant.

  3. 3. Le pire : une fois le déclenchement effectué, et après le trou noir, on obtient dans le viseur la photo qu’on a faite… Il faut réappuyer sur le déclencheur pour revenir à la réalité. Entre temps le sujet est parti ou l’expression a changé. J’ai demandé au staff Nikon qui était présent si on pouvait supprimer cet affichage (comme on le peut sur l’écran arrière) : après de multiples essais il m’a été répondu que non.  Selon Jean-Christophe de Nikon Passion, on doit pouvoir régler cette question dans les paramétrages. Dommage que les spécialistes de la maison n’y soient pas parvenus.



Les autres points négatifs tiennent peut-être à une insuffisante prise en main. Par exemple, en mode manuel, l’image s’assombrit aux valeurs choisies, un peu comme lorsque l’on contrôle la profondeur de champ… En mode A ou P, on n’a pas ce souci.

L’équipe Nikon faisait comme si ces défauts n’étaient pas gênants devant les multiples avantages du viseur électronique. Je le comprends pour le marketing des boitiers amateurs mais plus difficilement pour un jouet à 3600 € destiné en principe à des pros.

En conclusion, je suis reparti un peu amer que ces choses ne soient pas dites et ne semblent intéresser personne (ou alors c’est moi qui suis vraiment très vieux ! ). Un pro qui était avec moi a conclu que ces hybrides pros lui rappelaient les tout débuts du numérique, il y a 15 ou 20 ans. C’est peut-être vrai.

Pour ma part, je pense que la question ne sera réglée que lorsque les capteurs encaisseront des contrastes comme les viseurs optiques… Ce n’est pas demain la veille…


Découverte du Z9 en mars 2023



Invité une fois de plus par le Studio Gonnet, j’ai eu en main assez longtemps le Z9. Voici mes conclusions (un peu désenchantées je l’avoue) : Attention, je ne parle ici QUE du viseur, le reste a été abondemment traité partout. C’est un super boîtier, pas de doutes là-dessus.

  1. 1.La balance du viseur du Z9 que j’ai eu en main était très bleutée (ça se règle, mais personne ne trouvait ceci gênant parmi les pros…)

  2. 2.Plus grande impression de netteté (au sens définition) que le viseur  des Z7/Z6.

  3. 3.Mais, toujours du mal à encaisser des contrastes forts… Du genre un avant-plan sombre et l’arrière plan  très lumineux (il se trouve complètement brulé). C’est très gênant !

  4. 4.Léger «pompage» quand on panoramique du sombre au clair, en particulier quand on vent suiver un sujet, du genre fond filé.

  5. 5.Autofocus toujours en train de corriger. C’est pénible.

  6. 6.En mode M (le seul qui m’intéresse vraiment), on bascule très vite entre les zones surex et les sousex. Pas agréable pour composer une image.

  7. 7. Contraste trop fort, tout est exagéré.

  8. 8.Au final, toujours cette impression de ne voir qu’un écran - et pas le réel. On a ceci sur un smartphone, certes, mais l’image d’un écran d’iPhone est tellement plus belle, sans pompage et avec une dynamique tellement plus grande.


C’est bien le problème selon moi : les hybrides veulent coller aux smartphones… Mais en tellement moins bien question viualisation.


Certes, on doit pouvoir faire des réglages, mais ce n’est toujours pas au niveau d’un viseur optique.

J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi des pros lâchent leur D4/D5/D6 pour ce Z9. Mais tant mieux pour le business !


Conclusion de 2023


Ce qui me perturbe beaucoup, il faut l’avouer, c’est d’être assez seul à remarquer ces défauts. Je commence peut-être à ressembler aux tenants de la visée télémétrique qui pestaient contre les reflex…

Comment se fait-il que les revues papier ou en ligne ne reprennent que les seuls arguments techniques promotionnels de Nikon (pixels, isos, autofocus, etc.) sans parler de la visée, essentielle à la photo ?


Je crois que la réponse est assez simple finalement : beaucoup de photographes, y compris les pros jugent approximativement de ce qu’ils prennent. Ils comptent travailler ou rattraper au tirage, sur leur ordinateur. Si le cadrage n’est pas bon, qu’il comporte des éléments parasites, pas de problème on «crope», on recadre. C’est pourquoi on demande autant de pixels. Avec 30 ou 40 millions on arrivera bien à un cliché exploitable de 8 ou 10 !

C’est pour cela que ces nouveaux viseurs ne correspondent absolument pas à ma culture.

Quand on vient de la diapo (voir le résumé de ma vie photographique), on déclenche quand tout est parfait. Aucun droit à l’erreur. Avec les appareils modernes, on n’a plus cette crainte de rater.

Mais plus le plaisir de réussir…





 

L’avenir de Nikon…


Je dois avouer que je suis dubitatif sur l’avenir à long terme de cette grande maison…

Quand je vois ce que propose Apple qui gagne beaucoup d’argent avec ses modèles X, je me demande si on n’est pas dans la même logique avec les  boitiers hybrides…  2600 € pour le Z6… et 6000€ pour le Z9 en sachant qu’à terme il faudra en plus changer tous ses objectifs…

Il ne faut pas oublier qu’un hybride coûte beaucoup moins cher à produire qu’un reflex. On pourrait comparer avec les voitures électriques, moins chères à fabriquer et qui donnent des marges bien plus élevées.

Est-ce le modèle économique de Nikon (ou Canon et Sony) ?





J’espère juste que le viseur optique équipera encore le D6. Mais celui ci sera peut-être le dernier réflex numérique, comme le F6 fut le dernier argentique !

Pour le moment, je n’ai aucune envie de ces nouveaux boitiers.

Ils correspondent à une autre approche de la photo.

Du côté des capteurs, c’est le dispositif Fovéon, mis en œuvre par Sigma qui sera peut-être l’avenir.

Hélas, un an après ces propos, j’ai appris, en novembre 2019, que Nikon licenciait presque 10% de son personnel en France en abandonnant les compacts et les bridges pour se concentrer sur le haut de gamme hybride… Est-ce le bon positionnement ? Le marché est impitoyable.


L’avenir de la photo…


Pour nombre de photographes un viseur doit montrer le mieux possible le réel. Le photographe l’interprète… Avec les hybrides, c’est l’appareil qui interprète.

Je pense que cette évolution va se dérouler comme avec les premiers numériques : lente au début… Puis rapide et inéluctable.

Pour le grand public, c’est un plus indéniable. On a le résultat immédiatement… comme sur son smartphone… Les Reflex sont condamnés. Et comme ils sont plus compliqués et plus chers à fabriquer, la cause est entendue.




Nés dans les années 1960, il disparaitront 3/4 de siècle plus tard en conservant sûrement une niche très sélective, comme le Leica pour la visée télémétrique… Mais cette résistance, ils la doivent surtout au parc en circulation. Comme il est énorme, l’évolution sera lente, comme l’extinction des diesels sur les routes…

Et c’est ce phénomène qui risque de tuer beaucoup de grands  constructeurs. A transformer même les plus beaux boitiers en smartphones, ce sont Apple et les autres qui gagneront car ils ont le logiciel intelligent, la base installée, la technologie et ils peuvent s’équiper des meilleures optiques comme le partenariat avec Zeiss.


Le défaut rédhibitoire des viseurs optiques actuels


Pour bien comprendre ceci, quand on regarde dans le viseur électronique d’un Z9 (en dehors de sa lenteur à trouver le bon réglage de contraste bien sensible quand on panaramique), il continue de surexposer les zones très lumineuses en cas de cadrage comportant de grands écarts, alors qu’un simple iPhone effectue instantanément le bon réglage, grâce à son capteur et surtout son logiciel. Bien sur, on peut régler la prise de vue pour atténuer la surex, ce qu se verra dans le viseur, mais la sousex montera inexorablement !

En clair, la dynamique n’est pas en rendez-vous puisqu’on est limité par l’électronique. Dans un viseur optique, rien de tout cela : on suporte n’importe quel contraste même si le résultat final ne sera pas au rendez-vous (les histogrammes servent à controler les zones surexposées qu’on pourra facilement compenser avec un logiciel adéquat, de même d’ailleurs que les sousexposées).


Conclusion : un viseur électronique (indépendemment de sa résolution) ne pourra faire mieux que l’ensemble  capteur + logiciel du boîtier, donc, dans l’état actuel, on voit mieux un sujet fortement contrasté avec un viseur optique !

Ceci  va à l’encontre du discours marketing ?

Et alors, les photographes ont des yeux !!


Conclusion de la conclusion : les viseurs électroniques arrivent trop tôt sur le marché pro. On pourra un jour les utiliser quand les progrès en dynamique seront enfin réalisés (au moins aussi bien que les meilleurs smartphones actuels).


Quant à l'argument de «voir le résultat en temsp réel», il est judicieux pour les amateurs. Mais quel est le pro qui ignore ces notions basiques ?

Pour ma part, je préfère un bon viseur qui me montre la réalité que je vais enregistrer à ma façon (compte tenu de mon matériel et de mes goûts) plutôt que l’approximation que m’offre la technique d’aujourd’hui .


Une autre approche ?


Avec ces viseurs électroniques, j’ai l’impression qu’on est parti trop tôt (vue la concurrence des smartphones et l’effondrement des ventes de boîtiers) en choisissant une voie à mon modeste avis déjà dépassée.

Avec une vraie vision de l’avenir, on aurait pu s’orienter vers des viseurs optiques (ou alors électroniques parfaits, dont on est encore loin) qui se serait orientés vers les dispositifs dit «tête haute» dans les avions et les automobiles. C’est-à-dire la juxtaposition en temps réel de données utiles sur la scène observée.

Un exemple : la profondeur de champ. Imaginez un viseur aussi clair qu’un bon viseur optique sur lequel des témoins lumineux vous indiquent avec précision votre zone de netteté de profondeur de champ. Ce serait beaucoup plus efficace que les controles actuels, non ?

Ou encore que vous puissiez choisir si le viseur se conforme au réel (amélioré) ou à un type de rendu que vous choisissez. En effet, l’argument du viseur qui vous «montre le résultat final» tient-il vraiment face à des logiciels qui rectifient tout après (Capture One, DXO, et les produits Adobe) ?

Bref, il y avait une autre voie.





Un jour viendra où on aura des appareils qui enregistreront tout le réel autour de nous. Et la «photo» consistera à traiter ces fichiers pour offrir sa représentation du monde. La création restera bien sûr, mais en se déplaçant sur l’après enregistrement (adieu Cartier Bresson…).

La magie ne sera plus dans «l’instant du photographe», mais dans des recréations multiples.

Une nouvelle forme de peinture assistée par la technologie en quelque sorte ?


Mise à jour de mars 2023 (avec un iPhone 14).

 

Les Hybrides : Z7, Z6 et Z9…