JOURNALISME ET COMMUNICATION :
Vérité versus Concurrence
JOURNALISME ET COMMUNICATION :
Vérité versus Concurrence
Dans un monde idéal, la vérité ne se dégage bien que dans la concurrence comme la publicité permet qu’émerge le meilleur produit pour le bien commun de tous (chacun plaçant ses deux actions sur sa propres échelle de valeurs). Evidemment, dans la réalité, les choses sont loin d’être aussi idylliques, le publicitaire ne fait pas l’effort de tout connaître du produit, ne prend pas le risque de l’expérimenter pour en dégager la substance, n’ose pas systématiquement refuser de le promouvoir s’il est mauvais (il faut bien vivre), il n’est pas toujours rigoureux ni sincère, il lui arrive de pêcher par omission, bref il est humain et faillible… Quant au journaliste – et autour de lui, la rédaction et le « système médiatique », ne connaît-il pas les mêmes errements qui ont pour nom le rejet du risque, la paresse d’aller au fond d’un sujet, l’acceptation d’en parler sans avoir réuni suffisamment de matière dessus, l’absence de prise de distance, sa propension à reprendre ce que les autres ont dit ou écrit (en renforçant la pensée unique et ses variantes politiquement correctes), ses obsessions, ses incompétences, bref tout ce qui en lui est humain donc faillible ?
Dès lors, pourquoi ne pas chercher les valeurs qui pourraient faire progresser les uns et les autres pour profiter de cette concurrence - indispensable - pour améliorer la vie matérielle et le jugement de nos concitoyens ?
JLM
Article paru dans le programme officiel du Festival international du Scoop et du Journalisme d’Angers en 2003.
Novembre 2003
Les journalistes peuvent s'inspirer des publicitaires…
Le journaliste doit-il s’inspirer du publicitaire ? La question apparaîtra au mieux incongrue, au pire indécente. Le premier travaille pour rechercher et diffuser la vérité – on appelle cela « informer », le second pour séduire et vendre quand ce n’est pas pour tromper – on appelle cela « communiquer ». C’est pourquoi ils s’ignorent quand ils ne se critiquent pas.
Cependant, à y regarder de plus près, ces deux univers présentent de fortes ressemblances : Informer est déjà communiquer. Ce qui signifie que la séparation entre information et communication ne résiste pas à l’examen. La vérité ne serait-elle alors que la plus forte congruence des interprétations dans un référentiel donné ? C’est ce qu’affirmait déjà Pascal dans les Pensées. Ceci signifie clairement qu’un journaliste est aussi un communicant contrairement aux antiennes de certains représentants de la profession. Mais l’autre ressemblance qui rapproche ces deux mondes est encore plus incongrue voire choquante : c’est la concurrence des acteurs et le risque qui s’ensuit.
Quelles sont en définitive les principales qualités d’un bon publicitaire ? Pour y répondre, nous puiserons à bonne source, celle de David Ogilvy, fondateur de l’agence du même nom : Il distingue, entre autres, la recherche quasi obsessionnelle de tout ce qui concerne le produit, ses caractéristiques, bonnes ou mauvaises et son environnement, sa consommation, le risque de l’expérimentation y compris sur soi et son entourage proche lorsque ceci est possible, l’expression sous forme simple, adaptée, de ce qui fait son identité, et plus généralement, l’inscription de celle ci dans une vision plus large permettant de mieux l’appréhender et de se l’approprier en recourant aux (meilleures) rhétoriques textuelles ou audiovisuelles.
De son côté, le journaliste (digne de ce nom comme le proclament les chartes) effectue la même démarche : il s’immerge dans le sujet, s’en imprègne, étudie son environnement, son histoire récente et ancienne, y consacre un temps suffisamment long pour limiter les faux sens et autres manipulations conscientes ou non de ses sources – tout en se gardant de ses préjugés. Il vise à simplifier sans trahir, à exprimer l’essence, à dégager l’identité du fait pour favoriser la compréhension sans négliger les aspects stylistiques ou rhétoriques. Face au fait, le journaliste est modeste, il ne prend pas la place de l’information comme le publicitaire n’occupe pas celle du produit, tous les deux savent que ce qu’ils dégagent se situe dans l’éphémère et n’a pour vocation ultime qu’à être digéré par le consommateur jusqu’à ce que ce dernier, en s’appropriant leur travail fonde son jugement en oubliant tout des sources dont il est redevable.