En plus de leur mission traditionnelle consistant à mettre à la disposition des élèves et des enseignants le maximum de documents sur le plus grand nombre de sujets, les C.D.I. doivent assurer une initiation à la recherche documentaire sur différents supports. Plus généralement, ils devraient être des lieux dans lesquels; s'élaborent des techniques de a gestion des projets et de travail en équipes interdisciplinaires, tout en permettant à ceux des élèves qui s'expriment le moins souvent en classe d'y trouver des moyens d'acquisition des connaissances, ainsi que des méthodes de communication de ces connaissances.Pour que cette action prioritaire des centres de documentation et d'information s'inscrive bien dans la réalité actuelle, il apparaît tout à fait indispensable qu'on les conçoive comme des bases locales de données, reliées à des réseaux fortement interactifs. Cette volonté implique des choix, tant dans l'achat des matériels (ordinateurs, mini-serveurs, modulateurs), ou des logiciels (langages d'accès et procédures d'indexation), que vis-à-vis de la formation des documentalistes et des enseignants utilisateurs.
Alors qu'il existé encore beaucoup d'établissements du second degré non dotés en C.D.I., et que très peu d'écoles en abritent, la question de leur équipement informatique peut apparaître comme légèrement prématurée l'action prioritaire consistant tout naturellement à doter tous les établissements scolaires de centres de ressources bien fournis en documents classiques avec dans un premier temps des livres et des revues, suivis dans une seconde étape de diapositives, de disques ou de cassettes, ou encore de films Super-8 ou de vidéogrammes.Si dans l'ensemble, le coût architectural proprement dit n'avait pas été trop sous-évalué, il faut reconnaître que les crédits de première dotation et de remise à jour furent un peu oubliés (les exemples ne manquent pas...). Qu'en serait-il en rajoutant des frais importants d'équipements ultra modernes ?Que faire dans un contexte de pénurie ? Et en particulier, doit-on envisager une extension des activités habituelles des C.D.I. vers des applications télématiques ? Vaut-il mieux compléter l'équipement des centres a semi-opérationnels là où ils existent déjà, ou finir l'installation de locaux dans tous les établissements scolaires de l'hexagone ?La réflexion semble en cours, et comme il ne saurait être question de faire tout, tout de suite, quelles priorités pourrait-on envisager ?
Au risque de passer pour péremptoires et sommaires, nous ne pourrons, dans le cadre limité de ces chroniques, que mentionner rapidement les principaux axes d'une politique que nous souhaitons globale. Aussi nous contenterons nous d'ébaucher une méthode d'approche du problème des choix en période de vaches maigres et dans un contexte de compétition future entre l'institution scolaire avec ce que nous avons dénommé l'école concurrente (1):
1) En guise de préalable, il nous semble que toute politique d'équipement devrait être basée sur un large effort de formation multimédia, destinée à replacer l'Éducation nationale dans son rôle de pôle moteur d'une société de communication. De ce point de vue, le système éducatif devrait profiter des qualités de déontologie, de "non emballement", (et non pas de conservatisme !...), de recul critique qu'une partie de l'opinion publique lui prête encore (et pour combien de temps?...) dans le but ambitieux de construire des méthodes d'appropriation et de distanciation des technologies de communication, de structurer les nouveaux savoirs et d'offrir des alternatives attractives et crédibles à la formation complète ou multidimensionnelle des citoyens de demain (2).
2) Ce repositionnement du rôle de l'école devrait s'inscrire dans une mise en perspective télématique de ses finalités sociales, culturelles et économiques. Dans cette optique, le centre de documentation et d'information devrait devenir un véritable centre de ressources local diffusant ses informations en dehors de ses murs (ou de son réseau intérieur), tout en n'hésitant pas à recevoir le flux extérieur diffusé en permanence par les multiples circuits de la communication. Cette conception s'inscrit dans le droit fil de l'ouverture de l'école sur la vie telle que l'a tracée notre dernier congrès pédagogique de juin 1982. Naturellement, les informations reçues de cet a extérieur y seraient analysées, disséquées, démontées ou décodées, afin d'apprendre fonctionnellement aux futurs citoyens les modalités de la mise en forme des messages.
3) Le contexte général d'échanges intensifs d'informations les plus diverses va exiger une efficacité grandissante de l'institution scolaire, au moins du point de vue de la formation aux techniques de représentation du réel. A ce titre, il apparaît indispensable de faire en sorte que les établissements ne restent pas en retard de l'évolution technologique, sous peine de prendre le risque de se trouver marginalisés, voire exclus.
4) Cette politique d'équipements informatiques et télématiques devrait s'articuler sur deux dotations bien distinctes, concernant aussi bien les constructions neuves que les a mises aux normes d'établissements anciens:
a) Un équipement de base, comprenant notamment la création (ou l'aménagement) de locaux suffisamment vastes et fonctionnellement adaptés à un usage pédagogique intensif, ainsi qu'une première dotation en documents écrits et audiovisuels. L'ensemble devant se trouver immédiatement opérationnel pour tous les usagers (élèves et enseignants) dès l'ouverture du centre de ressources.Une ligne budgétaire spéciale devrait évidemment permettre le renouvellement, ou la mise à jour a légère des documents.Le financement proviendrait des mêmes sources (nationales régionales ou départementales que celles impliquées dans la fondation puis dans la gestion de l'établissement.
b) Un équipement optionnel de complément laissé au libre choix de l'établissement et faisant l'objet d'un projet pédagogique détaillé. Les modalités du choix telles que par exemple les relations entre la ou les équipes pédagogiques et le conseil d'établissement devant faire l'objet d'un examen très attentif fixant bien les limites de compétences, d'initiatives et de responsabilités, afin d'éviter tout risque de dérapage vers des équipements à la mode visant à favoriser l'éclosion de vitrines pédagogiques cachant la misère de l'institution entière.S'agissant de projets par nature décentralisés, le financement serait obligatoirement local, départemental ou régional en fonction de l'importance du coût des dossiers. A condition de s'entourer de garanties suffisantes, des montages financiers ne seraient nullement exclus entre les divers partenaires du système éducatif.
5) La souplesse de l'informatique devrait constituer un élément de taille dans la détermination du choix des priorités: Puisqu'il ne saurait être question d'équiper chaque établissement d'un miniserveur lui permettant de diffuser ses informations dans son secteur (géographique par exemple) il faudrait bien se résoudre à choisir lesquels recevraient la dotation.Il suffirait d'imaginer des réseaux locaux d'établissement dont chacun d'eux serait à tout moment et alternativement émetteur, via un serveur central (que ce soit dans le quartier, dans la ville, dans le district, dans l'arrondissement...) ou un simple consultant (au moyen des classiques minitels). Un établissement de base se chargerait de l'entretien du serveur de données, ainsi que de la mise en page des pages-écrans.
En conclusion, nous pensons qu'un retard ancien ne devrait pas générer un retard futur... Ou en d'autres termes, que les C.D.I. à installer devraient systématiquement faire l'objet d'une pré-organisation informatique leur permettant de devenir très vite opérationnels en tant que serveurs locaux de données
cf. E.L. n° 4 du 8.tO.83, p. t2. (2) cf E.L. n° 14 du 14.1.84, p. t2
N° 24 (14-4-1984)
Jean-Luc MICHEL
Avril 1984
Article paru en avril 1984 dans la revue L'Ecole libératrice.
Les CDI (Centres de documentation et d'information) auraient pu être les moteurs de l'informatique scolaire. Cette série d'articles essayait de montrer qu'il fallait avant tout s'occuper des échanges de données entre élèves et établissements, retrouvant en cela les idées de Célestin Freinet.
Malheureusement, le conformisme empêcha les idées et les actions novatrices de se développer et les CDI ne parvinrent pas à être les pivots de la modernisatrion.
L'architecture proposée préfigurait un peu le futur plan "Informatique pour tous".