Dans son effort de "modernisation" ou de "rationalisation" de lÉducation nationale, notre ministre craint-il daller au bout de sa logique ? Parce quenfin le sujet quil serait temps daborder concerne lamélioration de lefficacité du système éducatif, pour ne pas dire sa productivité. La tendance à réclamer toujours moins délèves par classe conduit à un renchérissement de moins en moins supportable du coût du système.
Faudra-t-il attendre de devoir choisir entre des profs en plus grand nombre ou des infirmières supplémentaires dans les services de fin de vie ?
Les enseignants ne se rendent pas compte quen sen tenant à des revendications quantitatives - du type "toujours plus de postes" - ils dévalorisent leur travail et leur statut : plus de profs peut-être si la collectivité y consent ; mais sûrement de moins en moins payés. Et sils sont moins rémunérés, on devra être moins exigeants en terme de compétences et de disponibilité. Équation infernale dont on ne sortira plus : beaucoup de pays étrangers nous en donnent le triste exemple, leurs enseignants ne représentent plus grand chose dans léchelle de la considération ou des valeurs humaines et sociales. Faut-il en arriver là au motif du "Toujours plus" qui semble réunir, quoique sur une base bien mince la plupart des syndicalistes enseignants, des élèves et de leurs parents.
Pour en sortir, il faut briser le mur du silence fait autour des NTE et affirmer sans complexe que cest par un recours massif aux ordinateurs que lÉducation nationale sinscrira dans la modernité en conservant son rôle moteur dune société démocratique et républicaine. Avec les NTE, elle augmentera son efficacité en matière de lutte contre léchec scolaire (notamment en lecture), diminuera son coût budgétaire global (moins de postes) tout en réussissant à payer mieux ses enseignants (en utilisant mieux leurs compétences). Mais cette question, personne ou presque nose laborder de front alors que le monde du tertiaire bascule dans la modernisation quont connu avant lui les secteurs primaire et secondaire. On connaît les préventions du système scolaire contre lusage des ordinateurs ; le sabotage permanent et systématique de linstitution contre les différents "plans informatiques" la amplement prouvé. On préfère oublier le taux déchec plutôt que de se poser des questions dérangeantes, on caricature lusage des machines en prétendant quelles fabriqueraient une génération de zombies. Les pilotes qui sont formés avec des recours massifs aux ordinateurs (on appelle cela des simulateurs) ne sont-ils pas efficaces ? Les médecins sont-ils moins compétents quand ils ont appris à soigner des malades virtuels simulés par des ordinateurs come ceci se pratique depuis longtemps ?
Il est temps douvrir le débat sur des questions taboues, il est urgent de prendre ses distances avec la pensée toute faite quitte à déranger à droite, à gauche et partout.
JLM
Mai 1999
Je me suis tellement investi dans les questions de "nouvelles technologies d'enseignement" (NTE) que je supporte assez mal les redites, les redécouvertes de l'Amérique de nos "décideurs" qui se montrent aussi ignares que peu originaux. Mon article de janvier 1982 avait déjà dit tout ceci, et la préparation du plan "Informatique pour tous" aurait pu le mettre en oeuvre. Malheureusement, le conformisme, le manque de clairvoyance et de courage ont toujours empêché toute tentative de modernisation d'aboutir. Il faudra sûrement attendre que les changements soient imposés de l'extérieur, à chaud et dans la douleur pour que le vieux système évolue... ou meure.
Cet article était destiné à un grand hebdomadaire.