HOMMAGE A JEAN DEVEZE
Si vous venez sur ce site grâce aux moteurs de recherche en ayant tapé "Jean Devèze", vous savez peut-être qu'il est décédé le 27 novembre 2003 à l'Hôpital Cochin des suites d'une crise cardiaque. Ce texte a été écrit le 27 quand j'ai appris la triste nouvelle. Je l'ai laissé tel quel.
Photo de Jean que j'ai faite à Carthage en 1998.
COMMUNIQUE DU JEUDI 27 NOVEMBRE 2003, 23H
Jean Devèze a eu un rôle considérable dans les SIC, à la SFSIC et ailleurs, même si des combats fratricides et injustes ont meurtri ses derniers engagements. D'autres compagnons des premières heures de la SFSIC, comme Marie-Claude Vettraino-Soulard pourront en témoigner.
Jean Devèze était immensément cultivé. En d'autres temps, on aurait dit que son savoir était encyclopédique, qu'il était un humaniste. Il possédait une mémoire phénoménale, manifestait un talent d'orateur hors pair et jouissait d'une inventivité scientifique sans égale. Mais outre ces qualités qui ont impressionné tous ceux qui l'ont connu, c'est aussi son honnêteté, sa probité scrupuleuse, son intégrité jamais prise en défaut qui lui ont valu tant d'amitiés sincères et fidèles et de rancunes tenaces ou de traitrises de toute nature, particulièrement dans notre communauté scientifique.
Il se réjouissait des premières et savait cultiver l'amitié autour d'un bon repas et se moquait des secondes, préférant chercher, présenter ses recherches partout où il le pouvait sans trop s'occuper des esprits étroits, des chapelles qui l'excommuniaient d'autant plus fort qu'elles ne pesaient rien.
Il a dirigé des ouvrages collectifs, participé à des dizaines de titres, est intervenu dans des dizaines de colloques sur les sujets les plus divers - et souvent les plus originaux.
Sait-on que sa thèse - phénoménale - sur Le sens de la flèche (plus de 2000 pages), soutenue à Paris 7 en 1987 n'a pas été publiée parce qu'il s'intéressait déjà à de nouveaux sujets. Il n'était pas de ceux qui vivent dessus pendant une bonne partie de leur carrière en la découpant en rondelles de plus en plus fines.
Il était dans le mouvement, dans le souffle de la vie. Pas dans la carrière et les compromissions de toutes sortes. Il était peut-être aussi trop modeste… et trop cultivé pour écrire beaucoup d'ouvrages personnels. J'ai souvent pensé qu'il était comme ces chefs d'orchestre, qui, connaissant tout de la musique, n'en écrivent jamais une ligne, de peur de ne jamais égaler leurs maîtres. Jean Devèze était surtout un éveilleur. Un éveilleur des curiosités, un exemple de rayonnement et d'intelligence de la complexité et de l'interaction. S'il avait fondé une école ou initié une approche personnelle, il aurait peut-être été un Bateson ou un Saussure, préférant l'oral et sa fluidité, l'oral et son côté éphémère, obligeant l'auditeur à faire effort de mémoire pour mieux s'imprégner du sens des paroles et les faire siennes. Jean Devèze adorait partager.
D'autres que moi viendront témoigner de son œuvre scientifique et institutionnelle, mais je voulais, par cette réaction à chaud, montrer l'attachement et l'admiration qu'il m'a inspirées pendant presque 30 ans, du département audiovisuel de Paris 7 où il me recruta comme (très) jeune chargé de cours de diaporama aux belles années de présidence de la SFSIC. Pendant toute cette longue et magnifique carrière, tout juste ternie à certains moments par des assauts de médiocrité de collègues dont la bêtise n'a d'égale que la vindicte (un grand bravo à l'intelligence des autorités de Marne la Vallée qui refusèrent de lui accorder l'éméritat au moment de sa retraite !), Jean Devèze n'a cessé de garder son humeur joviale, sa disponibilité pour les jeunes chercheurs et son esprit toujours en éveil.
Merci pour la leçon de vie, la tolérance et l'imagination.
JLM, 27 novembre, 23H30
Voir aussi le texte d'hommage d'Anne-Marie Laulan, paru dans Hermès
Un texte de JD sur l'œuvre de Fred Forest
Un autre sur la rhétorique du catalogue (dans le séminaire de Paris 7 de Marie-Claude Vettraino-Soulard)
Un autre sur la peau considérée comme une interface
Un texte sur "Les vertus du virtuel" dans le même cadre
Sa présentation de l'œuvre d'Abraham Moles dans Hermès
… A suivre… Merci de me communiquer des textes ou des liens pourt enrichir ce modeste début.
Dans ce texte, écrit dans l'émotion, j'ai essayé d'exprimer tout ce que les vieux amis de Jean pouvaient ressentir, laissant à d'autres de témoigner sur ses apports scientifiques.
J'ai pris la photo ci contre lors d'un voyage commun en Tunisie. Elle rappelle la joie de vivre de mon ami et maître qui non seulement dirigea ma thèse en 1988 et mon HDR en 1992, mais surtout me fit venir à l'université, moi qui n'était pas du tout attiré par un monde plein de petites querelles, d'esprits étroits et de grandes ingratitudes…
En préalable au congrès de Compiègne de la SFSIC, le premier du genre, que Jean Devèze organisa avec, entre autres, Marie-Claude Vettraino-Soulard et où ils m'entraînèrent, j'ai mis en ligne un film où s'exprime tout son talent d'orateur.