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La schématisation de l'avenir : autour de Robert Estivals

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Introduction

La schématisation est un des domaines de recherche privilégiés par la SBS, elle a déjà fait l'objet de plusieurs articles ou ouvrages de Robert Estivals, de journées d'études ou de colloques, et son examen ne fait que commencer. Au plan théorique, ce n'est plus une terra incognita, de courageux explorateurs nous ont déjà livré quelques cartes, aussi, le but de cette intervention sera plutôt d'esquisser une prospective de l'avenir de la schématisation au travers d'une interrogation centrale portant sur ses relations avec les ordinateurs : la pensée graphique (ou schématique) va-t-elle se développer avec les nombreuses extensions informatiques multimédiatiques qui commencent à se diffuser largement dans nos sociétés ? En d'autres termes, la pensée graphique et la sché matisation vont-elles atteindre leur heure de gloire avec les réseaux à haut débit, les groupes transnationaux de travail et les ordinateurs graphiques ? Ces extensions  virtuelles  (cf. la journée précédente de la SBS) vont elles accélérer les processus de  libération du carcan rectilinéaire de la pensée écrite  dont rêvait André Leroi-Gourhan ?  Les cathédrales, en devenant  virtuelles  vont elles prendre leur revanche sur l'écrit imprimé qui les fit disparaître en temps qu'art majeur, que manifestation totalisante et intégratrice de la pensée ?
L'écran interactif va-t-il clore le cycle hugolien conquérant de l'écrit statique, immobile ou éternel ?
Comme on s'en doutera, les réponses à pareilles questions ne risquent pas d'être tranchées ici et maintenant, même si le désir de fêter dignement Robert Estivals nous impose de redoubler d'imagination et de créativité scientifique C'est peut-être aussi cette visée très volontariste qui explique le titre de cette commu nication en forme de paraphrase (très osée) de Richard Wagner.
Après avoir rappelé les grands traits de la théorisation de la pensée graphique ou schématique, cette communication va suc cessivement aborder le thème, fondamental, de l'économie du signe schématique, évidemment dans un clin d' il à Jean Baudrillard, puis la question du schéma et de la création, et enfin celle du schéma et de la communication des idées, des hypo thèses, naturellement dans une perspective systémique. Elle se conclura en forme d'   uvre ouverte  par une défense et illustra tion du graphisme schématique.

Le développement de la schématisation

La schématisation étant au c ur de nombreux travaux de la SBS, il est inutile de revenir sur ses définitions, acceptions diverses ou son histoire. En revanche, un pointage rapide de celles de ses caractéristiques qui paraissent les plus importantes au regard de la problématique énoncée plus haut clarifiera les positions de départ.

La rapidité des échanges

Ceux qui, en 1984 se gaussaient des menus déroulants et des icônes (ou pictogrammes) des premiers ordinateurs graphiques (c'est-à-dire des Macintosh) se réjouissent peut-être, dix ans plus tard, d'en disposer enfin sur leur ordinateur  compatible IBM PC  grâce au logiciel intégrateur  Windows  . La schématisation (pictographique) fait gagner du temps. Non seulement du temps réel, dans l'échange proprement dit, mais aussi du temps partagé (Time sharing) dans le sens où l'assimilation des fonctions s'en trouve grandement facilitée : grâce au pictogramme informa tique, le logotype devient interactif, et si ce n'est celui de la marque (IBM, Apple, Microsoft), c'est celui du produit, élevé au rang de référent mondial pour les utilisateurs d'ordinateurs (Word, Excel, XPress, etc.). Mais de plus, cette schématisation s'attaque aussi au temps psychologique en ce sens que l'icône informatique devient symbolique de rapidité, de puissance de traitement, de nouveau rapport au temps conféré par le couple logiciel/matériel. Ceci est plus particulièrement sensible dans les logiciels de pilotage de CD-Roms dans lesquels le pictogramme devient la porte d'entrée vers l'information et la connaissance. On le trouve aussi sur Hypercard qui permet d'écrire (d'agir) sur des piles de documents divers, en nombre quasi infini ou sur d'autres logiciels du même genre :
On s'en doutera, ce type d'analyse et d'usage de la schématisa tion est loin d'être satisfaisant, même si son succès économique est grand, il s'agit tout au plus de mnémoniques visuels dont la sémiotique serait aisée à faire.

La complexité des messages

Face à des messages de plus en plus complexes, la schématisa tion offre de nombreuses ressources, bien connues des spécialistes : de l'organigramme au sociogramme en passant par toutes les formes possibles de représentations matricielles, à deux ou n entrées.
On reste évidemment dans le cadre du schéma transducteur, tel que Jean Devèze l'a présenté en 1989 et tel que nous l'avons nous même étudié dans l'étude des  pièges à concepts   .
Les logiciels graphiques permettent simplement d'aller plus vite dans leur conception et leur réalisation, parfois en réduisant considérablement la chaîne éditoriale traditionnelle pour offrir à l'auteur la possibilité de dessiner (assisté par la machine) le type de représentation qu'il estime le plus adapté. Naturellement, il existe quelques risques d'erreurs graphiques ou sémiologiques, car l'auteur n'est pas forcément rompu aux vicissitudes de l'ex pression graphique, mais globalement, le gain de temps est mani feste, surtout si la fonction d'éditeur en profite pour se moderni ser en retrouvant ses côtés artisanaux (le travail de mise en forme, de présentation du texte en fonction de critères de lisibilité, de coût, etc.).

Un étrange dualisme

Ainsi, cette première approche de la schématisation infor ma tique débouche sur une opposition importante entre une sorte de ratio nalisation de l'échange ouverte par les pictogrammes infor ma tiques, entraînant une simplification, une réduction du mes sage, rappelant dès lors nombre des caractéristiques du codage graphico-textuel le plus simpliste, mais aussi et en même temps une grande capacité de présentation visuelle, de gestion de la complexité. A ce niveau de l'analyse, on peut avancer que la schématisation informatisée est paradoxale : à la fois triviale, surcodée, sémiotiquement pauvre, mais simultanément riche de  polysémies génératives  , pour paraphraser Chomsky, c'est-à-dire de capacités d'engendrer du sens, de la substance explicative à partir d'assemblages simples de  schématèmes  (qu'on nous pardonne le barbarisme ) organisés avec méthode, intuition ou  talent 
Rien d'étonnant alors à faire appel à une instance conceptuelle globalisante, susceptible de dialectiser (et de dépasser) le para doxe. Le lecteur attentif aura déjà deviné laquelle

Où l'on retrouve (une fois de plus !) la distanciation

Par sa capacité à relier dynamiquement des concepts opposés, la distanciation peut s'appliquer facilement au paradoxe qui vient d'être évoqué. Le schéma informatisé réduit la distance entre le contenu et le destinataire, il homogénéise mais, comme on l'a vu, il peut aussi susciter d'autres états psychologiques (rapport au temps, au pouvoir, confrérie, connivence, etc.). Il développe des identifications (matérielles) comme tout pictogramme, symbo lique ou non. Mais en même temps le schéma éloigne de la réalité, la représentation graphique, même élémentaire est une marque de distance  libératrice  du continuum factuel. On retrouve là deux faces bien connues du couple distanciation/identification qui ne sera pas davantage développé ici, ne serait-ce que pour se consacrer à une vision plus neuve du signe schématique telle que les ordinateurs permettent de l'obtenir et de le traiter.

Une nouvelle économie du signe schématique

Si le schéma a de l'avenir (!), il lui faut ses prophètes, et nul ne doutera que l'un des premiers d'entre eux soit dans cette salle !
La paraphrase de Jean Baudrillard inscrite dans le titre va plus loin que la boutade qui sied à ce jour de fête
Si le signe schématique, considéré comme Gestalt, ou comme un schématème existe, la SBS doit être un des lieux dans lesquels il s'étudiera le plus complètement et livrera ses codes, notamment à partir de combinaisons d'icônèmes. En 1989, nous écrivions :
 Avec l'évolution inéluctable de la logique linéaire mono causale vers la logique circulaire et multicausale, la pensée graphique devient de plus en plus utile dans le processus d'élaboration des connaissances. Si nombre d'auteurs des années passées ne semblent pas y avoir recouru, c'est notamment en raison d'une attitude purement discursive ou rectilinéaire comme disait André Leroi-Gourhan.   

La recherche sur les pièges à concepts qui piègent la connais sance en révélant ses interdépendances, ses cycles ou ses circula rités, mais qui peuvent aussi piéger le chercheur en lui faisant croire que de simples corrélations sont des causalités a révélé qu'un travail de réflexion, de prise de recul s'avérait nécessaire lorsqu'on passait du schéma transducteur classique, chargé d'aider à diffuser la découverte et d'en faciliter la compréhension, la mémorisation ou l'assimilation, au schéma inducteur qui permet de découvrir ou d'inventer, donc de produire de la connaissance. Plus fondamentalement, la recherche sur la pensée graphique et les profils de schématisation a commencé à montrer que les individus semblent posséder une manière personnelle de se construire leur pensée graphique. Quatre profils de base ont été avancés et explorés (les Arborescents linéaires, les Circulaires, les Fonctionnels, les Esthètes) complétés par quatre sous profils (Textuels, Originaux, Réalistes, Exacts). La combinaison entre profils et sous profils fournit tout naturellement des profils com posés assez fins, par exemple les Arborescents linéaires textuels et réalistes ou des Circulaires originaux et exacts, etc.
Si la notion de profil était confirmée (quitte à reconsidérer leur typologie exploratoire), la connaissance de la pensée graphique en sortirait fortement grandie ; une construction théorique s'édi fierait en partant des éléments les plus simples - les icônèmes - pour aller vers des éléments plus élaborés - les schématèmes - et aboutir en ensembles plus vastes et néanmoins personnels - les profils.
Une fois cet édifice construit, une économie du signe schéma tique, du schématème pourrait évidemment s'esquisser, en repre nant, au moins au plan des principes, certains des traits mis à jour par Jean Baudrillard, en particulier la relation entre valeurs d'usage et d'échange et échange symbolique.

VU (valeur d'usage) : ce serait le code immédiat de la schématisation.
VE (valeur d'échange) : ce seraient les schémas transducteurs.
VS (valeur signe) : ce seraient les schématèmes.
ES (échange symbolique) : ce seraient les schémas inducteurs.

La valeur d'usage du schématème résiderait dans son code immédiat (encadrements, formes géométriques simples, flèches et autres graphismes connus de tous). La valeur d'échange se trou verait du côté des schémas transducteurs (avec leurs caractéris tiques assez fortement codées à partir des codes de la valeur d'usage). La valeur signe correspondrait évidemment aux sché matèmes, considérés comme des unités de schématisation iso lables (et isolées). Et naturellement, les schémas inducteurs, dans ce qu'ils ont de constructif, de novateur, de facilitation de la réappropriation des codes schématiques pour un usage novateur (ou scientifiquement créatif) pourraient jouer le rôle de l'échange symbolique. On retrouverait alors certaines des  équations  de Baudrillard, notamment celle qui tente de construire l'échange symbolique à l'épicentre de la production de sens, en amont des valeurs d'échange et d'usage, tout en réglant leur compte aux notions de signifiant (et de champ connotatif) et de signifié (et de champ dénotatif), quitte à appeler Barthes à la rescousse pour clore son chapitre essentiel  Vers une critique de l'économie politique du signe   .

 Toute la stratégie répressive et réductrice des systèmes de pouvoir est déjà dans la logique interne du signe, comme elle est dans la logique interne de la valeur d'échange et de l'économie politique. C'est toute une révolution, théorique et pratique qui doit restituer le symbolique aux dépens du signe et de la valeur. Les signes doivent brûler eux aussi. 

La schématisation (inductrice) aurait un rôle fondateur (symbolique) dans la construction de la partie de la connaissance qui est d'origine graphique ou graphico-conceptuelle, ou encore non rectilinéaire. On retrouverait alors la forte phrase de Robert Estivals :  L'image montre. L'image figurative montre ce qu'on a vu ou imaginé. Le schéma montre qu'on a compris.    Ou, dans le domaine de l'avant-garde picturale les intentions  sub versives  du Laboratoire de schématisation symbolique  (1959).

Le graphisme assisté par ordinateur (GAO ?)

Le concept de  grapheur analogique    remonte au début de la décennie 1980, essentiellement avec la commercialisation du logiciel MacPaint de Bill Atkinson (Apple, Macintosh, 1984). Il s'agit d'un programme qui présente une métaphore de quelques outils de dessin, tels que crayon, gomme, pinceau, aérographe, etc. Très vite, les limitations techniques de MacPaint furent réso lues avec la sortie de MacDraw (1985) qui institua la représenta tion dite vectorielle au format Pict (encore employé aujourd'hui après plusieurs mues successives). Aux métaphores de MacPaint ont été ajoutées d'autres commandes permettant d'effectuer rapi dement (à l'aide de la souris) des dessins à partir de formes géométriques simples. Avec ces logiciels, la schématisation assis tée était née. Tous les programmes qui suivirent ne firent qu'élar gir la gamme des fonctions, augmenter les effets graphiques ou les rendre plus accessibles, plus rapides, plus élaborés, notam ment avec des variations typographiques de plus en plus larges, sans pour autant changer radicalement le principe.
Quasiment dans le même temps des grapheurs qui pourraient être qualifiés de  numériques  commencèrent à se répandre, entre autres ceux de la société Microsoft avec Multiplan (1984) et son rejeton Excel dès 1985 qui furent des tableurs dotés d'un module de représentation graphique. Ce sont des programmes qui convertissent des séries de nombres en graphiques tradition nels (histogrammes, secteurs circulaires, courbes, nuages de points, axes logarithmiques, etc.). Avec eux, on obtient une repré sentation visuelle immédiate permettant de mieux apprécier d'éventuelles convergences ou regroupements spatiaux pouvant constituer des régularités, des corrélations, voire, si les hypo thèses sont confirmées, de véritables liens de causalités. Dès 1986, MacSpin permit d'étendre les investigations visuelles à trois vraies dimensions en présentant trois axes réels (et non un simple effet de relief ou de perspective comme dans les soi-disant repré sentations 3D).

Les grapheurs analogiques se sont d'abord appliqués à des schémas transducteurs : on emploie l'informatique pour faire mieux et plus vite une illustration traditionnelle, en soignant par ticulièrement la qualité du graphisme, par exemple en donnant des indications sur certaines causalités, en renforçant des axes, des flèches ou des titres. L'assistance demeure limitée, la machine n'a pas d'autre rôle que celui de facilitateur de la schématisation.
Avec les grapheurs numériques, la schématisation change d'univers grâce à la représentation matricielle (à deux, trois ou n dimensions). Comme le dit Pierre Lévy (même si c'est dans un autre domaine  ), avec des logiciels de ce type, on  instancie une matrice  , ou en d'autres termes, on entre dans le domaine de la simulation, de la modélisation dynamique, et dès cet instant, la schématisation devient dynamique et peut passer alternativement d'un statut de transduction à celui d'induction.
La simulation est au c ur du principe de fonctionnement d'un tableur (et de son grapheur associé), elle permet de remplacer instantanément toute donnée numérique (ou dans une mesure plus limité alphanumérique) par une autre et d'observer instan tanément les effets qui en découlent, en termes de calculs globaux et/ou de graphiques. Le tableur, on ne le mesure peut-être pas suffisamment, introduit dans le domaine de la recherche une dimension nécessairement systémique : il fait fonctionner un modèle représentationnel du particulier au général et du général au particulier, il donne les résultats locaux ou globaux de toute modification (globale ou locale), il déhiérarchise l'hypothético-déductivité en y plaçant de l'induction.
A ce point de l'analyse, on ne peut que rencontrer le traitement des sciences du vague, tel qu'Abraham Moles l'a magistralement présenté dans son dernier ouvrage sur Les sciences de l'imprécis  en décrivant avec beaucoup de prudence les avantages de la modélisation et les inconvénients de l'induction. Le grapheur numérique constitue un premier outil, à nos yeux décisif, dans la recherche assistée par ordinateur à laquelle nous allons nous consacrer plus loin.
Naturellement, les risques ne doivent pas être négligés, ils sont de plusieurs ordres, et le chercheur chevronné en auxiliaires informatiques est certainement celui qui a commis le plus d'erreurs. En voici une liste indicative mais non limitative :

- Calculs erronés (erreurs de référencement des  cellules  du tableur). C'est la cause la plus fréquente, mais les erreurs demeurent difficiles à repérer surtout dans le cas où les modèles sont complexes (très ramifiés ou interactifs).
- Mauvaises représentations graphiques : erreurs d'axes ou d'échelles induisant des corrélations fausses.
- Limites de calcul dépassées sans qu'il en soit fait mention. Certaines valeurs des variables peuvent déclencher des effets de seuil, des passages  hors limites  au delà desquelles tous les calculs deviennent faux.

Malgré ces dangers, bien réels, l'emploi des tableurs, assorti de bonnes notions de mathématiques élémentaires et de statistiques permet d'atteindre assez vite des schématisations dynamiques et fécondes. A sa manière, il contribue utilement à favoriser le passage d'une forme de schématisation traditionnellement orientée vers la communication de résultats à une schématisation susceptible de s'orienter partiellement vers leur production.
Avant de conclure sur les grapheurs, il reste à s'interroger sur le caractère schématique d'un graphique.
Si l'on retient comme définition d'un schéma celle qui fut proposée par la SBS en 1990 :  une représentation icônique, syn thétique mais simplifiée du réel ( ) un outil pour décrire, une méthode de transmission et de représentation des connais sances.   , il ne semble pas que la représentation graphique (voire la graphique de Bertin) soit exclue du champ schématique. La preuve en serait d'ailleurs facilement fournie par tous ces nombreux schémas transducteurs qui recourent abondamment à des courbes, des histogrammes ou des représentations carté siennes de toutes sortes . De plus, le tableur en facilitant des simulations instantanées permet aussi de partir de la représenta tion graphique pour chercher quelles valeurs numériques lui correspondent. En termes molesiens, on pourrait alors affirmer que la Gestalt conceptuelle (la forme générale du phénomène étudié) induit (ou vérifie) les valeurs numériques de certaines des variables qui le décrivent ; c'est pourquoi, au moins en première analyse, les graphiques seront considérés comme des schémas, c'est-à-dire des représentations simplifiées - mais fonctionnelles (ou organiques) de la réalité. Les représentations polaires semblent parfaitement adaptées à ces taches. En voici un exemple, extrait d'une recherche que nous menons par ailleurs sur les profils de directeurs de communication   :

 La pré enquête et nos propres observations ont permis de déterminer une batterie de critères suffisamment pertinents pour caractériser les taches et les fonctions des  Dircoms  . Ensuite, il a fallu évaluer chacun d'eux en fonction des observations rassemblées. La méthode retenue a été une notation croissante de 2 à 5. 

Des représentations graphiques sous forme de diagrammes polaires ont pu être facilement obtenues grâce auxquelles on peut immédiatement visualiser les profils types des Dircoms, dont voici un extrait parmi la liste qui en a été proposée :

Ces trois schémas (graphiques) ont été obtenus à partir de la combinaison de variables numériques dont le grapheur a donné une représentation polaire. Chaque graphique est interactif avec les variables qui le déterminent, de sorte que la recherche s'appuie autant - et même davantage - sur la représentation visuelle que sur les valeurs numériques proprement dites. La surface obtenue caractérise bien chaque profil-type et montre, par différence, ce qui manque à ce profil pour être par exemple assez large. On voit ainsi très nettement que le  stratège en communi cation globale  a un spectre beaucoup plus large que chacun de ses collègues dont les spectres paraissent bien  étriqués  .
On peut aussi faire apparaître le spectre du  communicant idéal  (celui qui rassemblerait toutes les compétences souhai tables) :

Avec le GAO (Graphisme assisté par ordinateur), le schéma tisme devient interactif et fécond. Il commence (?) à jouer le rôle d'un auxiliaire de la pensée intervenante, de la rationalité scienti fique moderne.

L'intégration de l'acte schématique comme auxiliaire de la pensée scientifique


Dans La Société de l'Esprit , Marvin Minsky indique avec beau coup d'à propos comment certains concepts issus de l'infor matique irriguent la philosophie ou l'épistémologie moderne (par exemple celui de  listing  ou de listage). Toutes proportions gardées et toutes choses différentes par ailleurs, il pourrait en être de même avec la schématisation dont les principales caractéris tiques semblent correspondre trait pour trait à une démarche de modélisation dynamique d'un phénomène en faible interaction (ceux qu'Abraham Moles considère comme particuliers aux sciences du vague ou de l'imprécis). En voici une première liste indicative :

- Obligation de chercher des variables descriptives du phénomène et de délimiter (même grossièrement) leur champ de variation.
- Nécessité d'imaginer une combinatoire entre ces variables, soit par des  équations réelles  (simples), soit par des  équations symboliques  .
- Possibilité de construire des représentations schématiques de cette combinatoire, basées, entre autres, sur des causali tés non exclusivement linéaires mais aussi (et surtout) circu laires, voire partiellement auto-référentes. De ce point de vue, la représentation schématique s'accorde assez bien avec l'autoréférence (cf. la communication de G. Blanc sur l'Ouroboros  ), tout en offrant la possibilité aux observa teurs attentifs de repérer rapidement ce qu'Hofstadter nomme les boucles stériles et partant, d'employer la représentation schématique comme un amplificateur des relations causales susceptibles de les illustrer ou de les infirmer (sans pour autant les confirmer et encore moins les démontrer). Le schéma est utile en sciences douces mais il n'est pas un outil de démonstration, pas plus que le micro scope (ou le macroscope).

Et si la schématisation va dans le sens d'une démarche induc tive, peu importe, à condition que celle ci soit suffisamment dis tanciée, conscientisée, et qu'elle se  contente  de jouer un rôle d'explorateur, de catalyseur de l'observation des interactions. à la démarche  lourde  de l'hypothético-déduction de prendre ensuite le relais pour établir (ou démontrer) les faits de manière plus affirmée, quitte à recourir au schéma (transducteur) pour expliciter la découverte.

La schématisation dynamique

Le schéma inducteur de l'avenir (ou du présent moderniste ou  branché   !) se doit d'employer toutes les ressources de l'interac tivité informatique, en particulier sa rapidité, sa souplesse vis-à-vis des problèmes à variables multiples, relevant par exemple des méthodes, toujours difficiles à mettre en uvre de l'analyse facto rielle ou multicausale, mais aussi et surtout son heuristique, voire sa stochastique, par des essais/erreurs sans cesse remis en cause, corrigés, modifiés, adaptés.
Pour y parvenir, il faut évidemment disposer de logiciels puis sants capables de représenter clairement les liens de causalité entre éléments d'un système. Plusieurs programmes s'en appro chent dès aujourd'hui, en voici un premier catalogue indicatif :

- Les tableurs et grapheurs déjà nommés, notamment dans leurs fonctions d'explicitation visuelle des liens et des conséquences.
- Les logiciels de présentation assistée qui permettent de déclarer (au sens informatique, mais selon des procédures grandement simplifiées) les relations entre des variables et d'observer leurs variations.
On peut parfois parvenir à construire des représentations visuelles (schématiques) de réseaux sémantiques.
- Les logiciels spécialisés dans la simulation multivariables.
- Les logiciels infographiques interactifs capables de traduire graphiquement des variations tendancielles de variables. On trouve dans cette catégorie les logiciels de carto graphie dynamique basés essentiellemenet sur l'ana morphose (cf. les cartes temporelles des trajets en TGV qui rappellent évidemment les montres molles de Savador Dali). En 3D, plusieurs logiciels d'architecture (voire d'ur banisme) permettent eux aussi de simuler les conséquences globales ou extralocales d'actions ponctuelles (cf. la com munication de Sabine Porada .
Avec ces systèmes, on retrouve pratique ment toujours l'exploitation visuelle d'une stochastique  créative  .
- Les générateurs de systèmes experts. La présence de ce type de programmes pourra surprendre dans la présente énumé ration, au sens où ils n'ont rien de graphique (ou presque) et que leurs seules capacité de schématisation réside dans celle de la pensée scripturale (en assemblant des syllogismes). En fait, par leur puissance dans le traitement des circularités, ils donnent un exemple de ce que pourrait être un logiciel d'as sistance à la recherche (serait-ce la RAO, la Recherche assis tée par ordinateur ?). Dans une étude complexe traitant de multiples relations causales entre données non quanti fiées ou non quantifiables, les logiciels de RAO (!) pourraient faciliter la mise au point des causalités, un peu comme le grapheur et le tableur y parviennent avec des données quantifiables. Naturellement, nous n'en sommes pas là, et pour le moment, le chercheur schématicien doit se débrouil ler avec les rares outils dont il dispose, c'est-à-dire essentiel lement les grapheurs étudiés plus haut.

Ainsi, de proche en proche, la RAO fait-elle passer des simples logiciels d'aide au traitement d'objets quantifiables (variables mathématiques simples) à celui d'objets plus complexes. Plutôt que de chercher à comprendre frontalement un phénomène comme en sciences dures (c'est le calculer sans expliquer de Newton selon René Thom  ), la schématisation dynamique ment assistée pourrait permettre de saisir son évolutivité, de cerner les principales variables qui le régissent, attitude mentale typique des sciences douces (c'est l'expliquer sans calculer de Descartes selon le même Thom).
Il reste à présent à examiner rapidement comment la schéma tisation s'accorde avec la création et la communication.

Schéma, création et communication


Si pour Adorno et Horckheimer, l'Art est pure distanciation, qu'en est-il du schéma ?
Il revêt sûrement un double aspect dont les deux termes sont très inégaux, sauf chez certains chercheurs, dont nous célébrons un des rares spécimens aujourd'hui ! D'un côté avec le schéma, l'aspect technique et scientifique, de l'autre, avec le schématisme, l'aspect esthétique. Adorno nous offre un  linkage  extraordi naire (pardon M. le ministre) : le schéma, dans son aspect tech nico/scientifique est évidemment une distanciation du réel, c'est un truisme que de l'affirmer ici. Mais dans sa dimension esthé tico/artistique, le schématisme serait aussi  pure distanciation  . Rien d'étonnant dès lors que schématisation et schématisme passionnent autant de monde puisqu'ils offrent une double possibilité de prise de distance
Naturellement, le schéma technique et le schéma artistique ne s'assimilent pas ; il est même des schématistes  purs et durs  , comme Jean-Charles Gaudy, qui refusent toute identification de l'un à l'autre :  Notre activité [de schématistes] ne saurait en aucun cas être assimilée à la création de schémas techniques ou scientifiques    , même si in fine ils  demeurent curieux de telles démarches conceptuelles, persuadés que nous sommes qu'art et science constituent deux axes complémentaires (et par fois mystérieusement accordés) dans l'investigation du réel.    En écho, on peut penser aux contenus sémantique et artistique de la communication tels que les a présentés Moles, tout en retrou vant Leroi-Gourhan et le désir d'affranchissement de la chaîne rectilinéaire de l'écriture, ou dans un tout autre domaine expressif certains univers créés dans des romans de science fiction ou d'anticipation . Ce qui conduit -dans une bonne démarche d'autoréférence  - à chercher une représenta tion schématique (!) des relations entre schémas inducteur et transducteur et schémas technico-scientifique et esthético-artistique.
Une vision simpliste affecterait au schéma esthético-artistique une orientation majoritairement transductrice (au nom de la logique selon laquelle l'art est de facto communicationnel). Mais comme le note Estivals, les schématistes n'ont pas toujours de code commun entre eux, à plus forte raison avec les non schéma tistes (s'il en reste ). Les schématistes se situent davantage en  position d'expression [que] de communica tion   , ce qui va ouvrir la voie à un (re)-positionnement du schéma du côté de l'induction.
La même vision simpliste entraînerait à considérer le schéma technico-scientifique comme largement orienté vers l'induction, au moins dans la phase de recherche.
En fait, il convient d'aborder cette question avec un schème cyclique ou circulaire, que le schéma ci-dessous va tenter d'expli citer (en se demandant s'il correspond à celui de Robert Estivals).



La représentation choisie est évidemment circulaire, ce qui constitue à la fois un avantage du point de vue de la fécondité conceptuelle, mais aussi un danger d'autoréference stérile qu'il vaut mieux ne jamais oublier . Plusieurs itinéraires concep tuels se découvrent facilement grâce au schéma (c'est même sa fonction essentielle que de les révéler. La grosseur des flèches indique leur importance relative.

Chaîne 1/1' : Le schéma technico-scientifique est utilisé pour une simple transduction. On a  compris  un phénomène et on le communique. Le sens 1' correspondrait à une rétroaction du genre : une fois le schéma communiqué, on analyse les réactions et on le modifie en conséquence pour le rendre plus performant.

Chaîne 2/2' : Le schéma esthético-artistique est utilisé pour une simple transduction. On  exprime  quelque chose (un affect, une vision du monde, une théorie ). La rétroaction est possible mais plus rare que dans le cas précédent.

Chaîne 3/3' : Le schéma technico-scientifique est utilisé pour une induction. Il remplit un rôle créateur. La rétroactivité est quasiment obligatoire, c'est même un des caractères les plus spécifiques et les plus utile de la schématisation. On est typique ment dans une approche distanciatrice. Le schéma joue son rôle de simplification, codage, réduction, explicitation d'une réalité que l'on veut analyser, comprendre sans nécessairement la calcu ler ou la mesurer.

Chaîne 4/4' : Le schéma esthético-artistique est utilisé pour une induction, elle aussi largement rétroactive (cf. les déclarations des schématistes).

Chaîne 3-3'-1 : Le schéma technico-scientifique est utilisé en induction rétroactive (boucle 3-3') puis en transduction. Ce serait la démarche de base du scientifique  graphique  (évidemment indiqué par son profil de schématisation). Il schématise pour s'autoreprésenter et comprendre le phénomène en induisant du schéma une théorisation qu'il communique ensuite par la sché matisation transductrice . Dans ce circuit, le chercheur n'a aucun égard ou intérêt pour la dimension esthétique. Ses schémas demeurent purement utilitaristes, ce qui ne veut pas dire qu'après coup, on ne puisse y trouver des éléments artistiques, il s'agira alors d'une interprétation culturelle effectuée a posteriori.

Chaîne 3-4'-2 : Le schéma technico-scientifique est utilisé en induction (sans rétroaction, mais si celle ci est indispensable, il est aisé d'ajouter une boucle 3-3' entre 3-4', et d'obtenir par exemple la chaîne 3-3'-3-4'-2). ce serait la démarche du scientifique  graphique  mais aussi  esthète  ou  artiste   . Comme le précédent, il schématise pour comprendre, mais en plus, il  esthétise  pour communiquer sa représentation ou sa décou verte. On notera que les revues scientifiques disjoignent les fonc tions en demandant à leurs auteurs un brouillon de représenta tion graphique, lequel est ensuite repris par un graphiste profes sionnel et soumis (ou non) au scientifique pour accord final, relec ture du commentaire et bon à tirer. Avec les outils de PAO (Publication assistée par ordinateur), le chercheur peut prendre en charge une partie de cette tache et cerner au plus près le type de représentation graphique qui correspondra le mieux à son ana lyse. Mais, de même que la bonne connaissance d'un logiciel de PAO ne fait pas le maquettiste, la bonne connaissance d'un gra pheur ne fait pas l'artiste. il convient donc de connaître (à peu près) ses limites !

Chaîne 4-4'-2 : C'est la situation symétrique de 3-3'-1. Le schéma esthético-artistique est utilisé en induction rétroactive (boucle 4-4') puis en transduction. Dans ce circuit, le schématiseur n'a aucun égard ou intérêt pour la dimension technico-scienti fique. Ses schémas demeurent purement esthétiques, ce qui ne veut pas dire qu'après coup, on ne puisse y trouver des éléments scientifiques ou techniques, il s'agira alors d'une interprétation culturelle effectuée a posteriori . On l'aura compris, ce peut être l'explicitation du (peintre) schématiste lorsqu'il oublie qu'il peut être aussi un scientifique. A part à la SBS, il semble que ce type de comportement soit fort rare.

Chaîne 4-3'-3-4'-2 : Avec ces chaînes plus compliquées, on se rapproche peut-être davantage de la réalité de certaines démarches. Dans ce circuit, le schématiseur recourt à l'induction en partant d'une base (ou d'un souci) esthético-artistique mais exploite la dimension technico-scientifique. Il fait jouer à la sché matisation inductrice un double rôle au sein d'une double rétro action qu'illustre bien la partie de chaîne 4-3'-3-4'. Conformément à son point de départ, il ressort de la chaîne par la dominante esthétique (2). Il pourrait s'agir du chercheur vulgari sateur (ou divulgateur) ou du chercheur  original  qui n'hésite pas à recourir à sa culture artistique pour faire avancer ses découvertes.

Chaîne 3-4'-4-3'-1 : La représentation schématique devrait presque pouvoir nous dispenser de commentaire en disant sim plement qu'il s'agit de la situation symétrique de la précédente. C'est le chercheur scientifique qui recourt à l'induction (3) mais exploite aussi la dimension esthético-artistique dans un processus rétroactif (4'-4) lui faisant revoir sa schématisation (3') avant de communiquer ses résultats (1). Ceci rappelle l'induction esthé tique opérée par certains scientifiques, notamment en biologie comme nous l'avions indiqué ici même avec la découverte de l'ADN .

Ces différentes chaînes pourraient évidemment être enrichies par l'introduction de boucles supplémentaires de rétroaction, sans pour autant changer la nature globale du phénomène de schématisation qui, grâce à ce schéma (!) a été ramené à une combinatoire d'éléments simples (est-ce une démonstration - limitée - de fécondité de l'autoréférence ?). Le croisement de cette combinatoire avec les profils de schématisation exposés dans une précédente contribution serait assez aisé, en voici un premier exemple ne recourant pas aux sous profils :

Arborescents linéaires : peu ou pas de schématisation ou seulement 1-1'.
Circulaires : 2-2', 3-3'-1 ou 3-4'-2.
Fonctionnels : 1-1', 2-2', 3-3'-1.
Esthètes : 2-2', 4-4', 4-4'-2, 4-3'-3-4'-2 ou 3-4'-4-3'-1.

Un exemple de modélisation/schématisation dynamique ?

Les considérations exprimées plus haut au sujet des modélisa tions ou des schématisations dynamiques peuvent être directe ment mises en pratique au sein de cette recherche. En voici quelques exemples.
Les cinq chaînes peuvent assez facilement se quantifier, à condition de trouver une représentation mathématique adéquate des valeurs 1', 2', etc. Étant donné la symétrie entre elles, il est  logique  de penser à des valeurs opposées (de signe algébrique contraire). Ainsi 1' devient -1 et ainsi de suite. En voici la traduc tion immédiate (effectuée sur tableur) avec leur somme ligne à ligne :
Codage employé :
T/S : Technico/scientifique.
I : Inducteur.
E/A : Esthético/artistique.

La somme (effectuée très simplement) montre un résultat intéressant   : les chaînes commençant par T/S (c'est-à-dire les schématiseurs technico/scientifiques ont une somme égale à 1 alors que celles qui débutent par E/A, soit les esthético/artis tiques atteignent 2. On peut s'attendre à ce qu'il en soit ainsi à cause du codage employé, de sorte qu'il serait facile de classer les chaînes en fonction de leur dominante, voire d'effectuer un petit classement statistique en dominantes (T/S ou E/A) et sous domi nantes.

Le graphique n'est pas très explicite. Il permet tout juste de visualiser les 5 cas étudiés. L'exemple T/S-I apparaît bien avec ses 3 et 3' (en l'occurrence -3) pour ses aspects technico-scienti fique et inducteur ainsi que son 1 pour son côté transducteur. L'exemple T/S-E/A-I s'interprète de la même façon, mais plus difficilement. Un petit traitement graphique permet d'améliorer la compréhension :

Des échelles ont été apportées, les trames simplifiées et la lisibi lité générale augmentée . Il devient plus facile de lire la répar tition des catégories. Le troisième exemple (E/A-I) présente une forte rétroaction sur la schématisation esthético/artistique (E/A) précédant la transduction. Le quatrième (E/A-T/S-I) active autant la schématisation esthético/artistique que la technico/ scienti fique pour finir par une transduction.

Réexamen des schématisations  analogiques  et  numériques 

Si l'ont compare les mérites respectifs de la schématisation analogique (figure 8) et de la schématisation numérique (figures 10 et 11), il semble bien, sur cet exemple, que l'analogique soit bien adaptée à l'induction, pour concevoir les chaînes à partir des variables de départ, alors que la numérique corresponde davan tage à la transduction (représentation ou communication) des premiers résultats d'une recherche. Mais la limite de l'auto réfé rence est vite atteinte : cette recherche et cette schématisation sur la recherche et la schématisation ne peuvent évidemment pas pré tendre donner des résultats absolument généraux, nous devrons nous contenter d'une tendance, correspondant, il est vrai à une approche philosophique classique selon laquelle la pensée ana logique est intuitive ou  douce  et la pensée numérique est raisonnée ou  dure  .
Ce résultat précise ce qui fut avancé plus haut, à propos du graphisme assisté par ordinateur (2.1) : les grapheurs analogiques ont d'abord été employés en représentation des connaissances, et ils le demeurent largement. Seuls quelques usages comme celui qui vient d'être illustré ici montrent qu'il peut aussi prendre un rôle inducteur. En fait, c'est moins le logiciel de schématisation analogique en tant que tel, dans des capacités techniques clas siques, qui réalise cette induction que l'impulsion, l'envie, le dé sir, l'offre ou la promesse d'une nouvelle rationalité scientifique basée sur une réhabilitation, une redécouverte de la pensée gra phique non rectilinéaire. De fait, le schéma construit et commenté ici même (sur la schématisation) a bien un rôle moteur dans le repérage des chaînes de causalité. La représentation graphique schématisée facilite ou force le chercheur dans son travail d'expli citation, d'inventaire des liens, parfois même des réseaux séman tiques et lui permet d'être rapidement productif (au sens de la créativité conceptuelle) et de présenter une énonciation claire, compréhensible, c'est-à-dire critiquable au moins par ses pairs. Ainsi, dans notre exemple, il sera plus facile de porter une critique à partir du schéma en nommant les flèches qu'à partir du texte, nécessairement lourd parce ce que devant être précis (cf. la communication de François Richaudeau). Il semble donc, en définitive, que le schéma analogique commence historiquement dans la représentation (transduction) mais se développe dans l'induction en retrouvant ses origines, c'est-à-dire en nous délivrant de la pesanteur rectilinéaire dénoncé par Leroi-Gourhan.
S'esquisse ainsi une complémentarité organique entre le schéma analogique et le schéma numérique (graphique) qui peuvent être employés tous deux aux deux extrêmes du proces sus d'élaboration et de représentation des connaissances. Il n'y pas, comme on pouvait le craindre, de coupure entre eux puisqu'ils ont un double rôle, une double action en amont et en aval de la découverte.


Schémas et nouvelles technologies de communication


A l'issue de cet examen théorique, il reste à explorer quelques unes des voies les plus prometteuses de la schématisation dyna mique, à dresser une esquisse d'analyse prospective. Ce n'est évidemment pas dans le domaine des logiciels classiques (tableurs, grapheurs, etc.) que les progrès les plus sensibles seront accomplis, mais dans des lieux voisins ou connexes. La présenta tion assistée par ordinateur (PrAO) est évidemment la première technique informatique qui concerne directement la schématisa tion. Les logiciels de présentation assistée savent désormais gérer des cases d'organigramme et les flèches qui les relient. Certes, on en reste à un niveau élémentaire, il n'y a pas de vraie assistance  intelligente  , mais en montrant instantanément les liens entre unités, ces programmes sont susceptibles de se comporter comme des auxiliaires (modestes) de mise à jour de causalité, ou tout au moins d'inter-relations ou d'interactions. Ils devraient plutôt concerner l'induction, mais leur lourdeur les cantonne davantage du côté de la schématisation transductrice .
On peut en dire pratiquement autant des nombreux logiciels multimédias qui se développent très rapidement, aucun d'entre eux ne se comporte comme un assistant en recherche de causalité ou de liaisons. Seuls, peut-être, les programmes spécialisés dans la gestion interactive de fichiers graphiques (autrefois FileVision, et aujourd'hui partiellement Hypercard) permettent de relier dynamiquement des informations visuelles et des relations entre elles. C'est d'ailleurs à la frontière du schéma numérique et de l'analogique (au plan fonctionnel et non organique ou technique) que l'informatique peut faire progresser les représentations schématiques. Le multimédia étant par définition  graphico-textuel  , c'est sûrement de ce côté que les plus grandes innova tions sont à attendre.
L'enseignement assisté par ordinateur (EAO) pourrait lui aussi offrir des ouvertures intéressantes, malheureusement, il végète et les développements de systèmes de grande puissance n'est guère rapide. On peut espérer que le multimédia saura le relancer.
Enfin, le secteur des jeux n'est pas à dédaigner. Certains logi ciels fournissent au joueur un croquis interactif (c'est-à-dire réagis sant à la souris) du chemin qu'il doit emprunter pour continuer à jouer. Autrement dit, la porte est ouverte pour l'introduction directe d'un schéma par le joueur lui même et son traitement (c'est-à-dire sa  compréhension  partielle par l'ordina teur).
Du côté des matériels, les  assistants numériques  (Note Pad, Assistant Director, Newton et autres appellations du même genre ) apparus en 1993 ont donné beaucoup d'espoir et généré autant de désillusions. S'il est vrai que ces systèmes sont capables de reconnaître un court schéma de type organigramme, de le trai ter et de le transformer en un tracé géométrique impeccable, ils sont loin de  comprendre  quoi que soit à ce qu'ils traitent et s'inscrivent du côté de la transduction, ce qui n'est déjà pas si mal .
En résumé, des logiciels intéressants pourront être récupérés ou détournés de leur usage normal au profit de la schématisa tion, mais il ne s'agira, à chaque fois, que d'exemples isolés, lais sant encore de la place au papier, au crayon ou au pinceau réel ou virtuel

Conclusion


La schématisation et la pensée graphique qui la détermine accompagnent une grande partie de nos actes cognitifs. La recherche en sciences de l'imprécis, en sciences du vague, pour reprendre une terminologie molesienne, ou en sciences douces (opposées aux sciences dures) recourent d'autant plus à la sché matisation qu'elle doit souvent modéliser, c'est-à-dire inventer ou découvrir des liens, des interactions, souvent faibles entre des éléments apparemment disparates des systèmes étudiés. Rien d'étonnant dès lors que la schématisation ait acquis cette impor tance immense, même si elle n'est pas mise à jour, ne serait ce que parce qu'il est quasiment obligatoire pour un décou vreur de montrer sa maîtrise de la langue parlée ou écrite et donc de se hâter de faire disparaître toute trace de pensée graphique dans ses recherches. Ce n'est pas parce qu'on ne voit guère de schémas dans certains exposés de recherche que la pensée graphique a été inopérante, les apparences sont trompeuses, il faut traquer les traces des représentations schématisés parfois dans le langage lui même.
La séparation entre schémas inducteurs (élaboration des connaissances) et transducteurs (représentation) a prouvé une fois de plus son intérêt et sa fécondité. Son couplage avec la sépa ration entre schémas technico/scientifiques et schémas esthé tico/artis tiques correspond non seulement aux préoccupa tions de la SBS et au profil de chercheur de son président, mais aussi et surtout à une fructueuse approche susceptible de débou cher sur des schématisations dynamiques en relation avec les profils de schématisation des individus. C'est surtout de ce côté que la schématisation de l'avenir devrait fournir les plus gros progrès.
Les voies de recherche fondamentales en matière de modélisa tion ou de schématisation dynamiques semblent aussi vastes et prometteuses que celles de leur empoi appliqué à d'autres domaines de la connaissances. Théoriciens, praticiens ou  amateurs  , à nous tous de nous y engouffrer.
Pour nous tous ici, Estivals, c'est encore le printemps



JL Michel
Mars 1994

 

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Articles scientifiques

Commentaire

 

Le texte ci-dessous est paru avec des figures, des notes et une bibliographie dans la Revue de Bibliologie, Schéma et schématisation, Société de Bibliologie et de Schématisation, n 41, 4ème trimestre 1994, p. 35 à 58, décembre 1994 en hommage à Robert Estivals, Fondateur de la SBS et de l'AIB (Association Internationale de Bibliologie).

Cette journée fut organisée par Marie-Claude Vettraino-Soulard (Paris 7).

 

Il a été repris par Profweb, un site canadien de ressources.

L'article sur Profweb

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