Comme il le soulignait lui-même en introduction à son intervention, le Ministre de l'Education Nationale s'exprimait pour la première fois oficiellement dans ce "Marché international de la vidéo-communication" et du "logiciel domestique" (1). Il en a profité pour annoncer les grandes lignes d'une série de mesures portant sur les nouvelles technologies de la communication (2), et dont voici les principaux axes.
Rappelant qu'à l'horizon 1992, " les six millions de prises prévues pour le cable offriraient des débouchés à environ 10 000 personnes", le Ministre a annoncé la création dès la rentrée 85 d'un BTS et d'un DUT spécifiques, suivis de licences et de maîtrises. On ne peut que se réjouir de cette initiative qui devrait permettre à terme à la "création" audiovisuelle française (mais aussi informatique et télématique) de produire des Ïuvres de qualité et de les exporter....
Il semble bien que le Ministère se lance (enfin) vigoureusement dans une politique volontariste en matière de moyens modernes de communication, sans oublier pour autant les "apprentissages de base dont l'école a la responsabilité ", comme par exemple : " faire acquérir la maîtrise de la langue écrite et parlée, des mathématiques, de l'histoire et de la géographie (qui) restent le premier devoir des maîtres ". Le Ministère se propose de renforcer la demande, ce qui signifie que désormais une part "significative " du budget de l'Education Nationale sera réservée à l'achat de programmes audiovisuels et de logiciels informatiques, de façon à éviter aux machines d'être sous-employées (ou en d'autres termes, de se retrouver au fond des placards...). Nous nous réjouissons d'autant plus de cette nouvelle orientation que nous en avions défendu le principe ici-même (3). Renforcer la demande ne peut se concevoir sans "organiser l'offre", car "nos capacités de production restent aujourd'hui largement isolées les unes des autres, et elles ne sont par ailleurs que rarement confrontées au marché (4) dans son ensemble ", ce qui suppose "d'engager l'Education Nationale dans la voie d'une concertation avec les grandes entreprises", afin "d'élargir notre champ de compétence, tout en augmentant notre efficacité et la qualité de nos produits" (5).
J. P. CHEVENEMENT remarque que "la distribution des programmes relève actuellement d'initiatives partielles et pour tout dire largement dispersées ". Citant un récent sondage, selon lequel une personne interrogée sur trois se déclare prête à s'abonner à une chaîne consacrée à l'enseignement et à la formation permanente, il déclare "qu'il s'agit au fond de créer les conditions d'un véritable canal éducatif, faisant l'objet d'une programmation, et permettant par là à un large public d'accéder à la demande à des programmes éducatifs". On retrouve dans cette orientation ce que nous avions intitulé "l'Education Nationale, une société de programmes éducatifs... " dans l'E. L. n°6 du 22/10/83.
Pour agir efficacement, il faut se placer dans "la perspective d'un développement harmonieux des capacités de l'enfant ", d'où une mission analysant "les rapports de l'enfant aux outils de communication ", en cherchant à connaître "l'influence des nouveaux modes de communication sur son comportement scolaire et extra-scolaire " et en "proposant des lignes de force pour une action fondée à la fois sur cette analyse et sur une vision progressive du développement de la communication à l'horizon de la fin du siècle ". Beaucoup de nouveautés donc, et aux dires du Ministre, des budgets "suffisants" pour mener à bien cette nouvelle politique en direction des technologies éducatives. Nous reviendrons plus en détail dans de prochaines fiches sur l'ensemble des déclarations de J. P. CHEVENEMENT, en les mettant en parallèle avec celles de L. MEXANDEAU, Ministre des PTT, ainsi que sur le congrès international d'Enseignement Assisté par Ordinateur tenu pendant le même VIDCOM. (1). Le VIDCOM s'est tenu à Cannes du 12 au 17 octobre. (2). On pourra remarquer que l'informatique se trouve à présent "rangée" dans la communication, ce qui nous semble faire la preuve d' une plus large vision de son rôle scientifique, économique, politique et social. ( (3). Voir l'ensemble des fiches publiées dans l'EL, et en particulier le dossier " l'informatique avant le dégel" (EL n° 16 du 30/1/82). (4). A noter l'utilisation fréquente de ce terme, ce qui tendrait à replacer l'école dans une situation de "concurrence" (cf. EL n°4 du 8/10/83). (5). A noter également l'insistance sur la notion de "qualité" des programmes, aussi bien audiovisuels qu'informatiques.
Le SICOB de printemps est l'occasion traditionnelle de faire le point de l'état du marché de la micro-informatique professionnelle ou personnelle. Si 1985 a été ressentie comme une année morose malgré les vingt milliards de dollars de ventes au plan mondial, c'est que la croissance est tombée à seulement 35 % aux USA au lieu des 70 % prévus. Il faut noter que l'Europe a réalisé 56 % (1 226 000 micros) et la France 64 % (230 000 machines contre 140 000 en 84). On peut remarquer que 1986 marque déjà une reprise de la progression des chiffres d'affaires. L'industrie nationale couvre à présent 30 % du marché (en nombre d'ordinateurs vendus) contre 15 % l'année précédente.
Les compatibles IBM PC d'origine japonaise étant vendus en nombre plus élevé que les vrais IBM (70 000 contre 57 000), il était temps que « Blanche Neige » se réveille et baisse ses tarifs sur les PC d'environ 15 à 20 %. La concurrence y compris française devrait suivre si elle veut conserver ses positions actuelles. Profitons-en pour constater que le choix du « standard dominant » a plutôt réussi aux constructeurs qui s'y sont engagés puisque tous ont enregistré des hausses importantes ou spectaculaires de leurs ventes 85 (même s'il est vrai que l'impact du plan « Informatique pour tous » y est aussi pour quelque chose). BULL a placé 23 000 machines en 85, passant ainsi de 4 % de part du marché à 10 %, pendant que Goupil a vendu 14 000 micros contre 6 000 en 84 et Léanord 6 000 au lieu de 3 000É Les statistiques du SICOB font état d'environ 40 000 commandes publiques pour ces matériels. Le standard des mémoires vives atteint désormais 512 kilo-octets avec une tendance très nette à se fixer au méga-octet (environ un million de caractèresÉ). Les prix des disques durs commencent à baisser dans des proportions importantes, mais ce mouvement est loin d'être fini, la gamme va s'enrichir vers le haut (40 à 100 méga-octets) et peut-être aussi vers le bas (2 à 10 MO). Les unités de disquettes semblent se stabiliser autour du standard SONY de 3,5 pouces (IBM vient de l'adopter sur ces nouveaux modèles).
L'AT 2 d'IBM conserve une comptabilité PC DOS ascendante (on pourra récupérer d'anciens logiciels ou fichiers), mais il n'utilise pas encore pleinement la puissance du processeur 80286 d'Intel (multi-utilisateurs en réseau, multitâche, multi-poste). La seule alternative au standard d'IBM reste bien sûr le système convivial du Mac Intosh Plus d'Apple (et bientôt du nouvel Apple 2). Il semble que le concept d'ordinateur graphique recourant à des écrans à haute définition, des fenêtres multiples et des auxiliaires tactiles (comme la célèbre souris) soient en train de conquérir l'ensemble des matériels et des logiciels. Tous les constructeurs s'y mettent. La facilité d'utilisation (ou la bonne interface utilisateurÉ) semble enfin intéresser le marketing (que l'on regarde notre Goupil G4 avec ses fenêtres et sa souris ou tout simplement dans le domaine familial le Thomson TO 9). Des produits comme comme le nouvel Atari 1040 ST ou plus encore l'Amiga de Commodore que nous avons vu fonctionner montrent la richesse de l'ordinateur graphique à des prix très attractifs. Quand à Amstrad son modèle « dédié » au traitement de texte (le 8126) fait un malheur, en attendant un compatible PC. A ceux qui penseraient qu'il vaut mieux différer encore un éventuel achat « parce que la technique évolue vite », nous leur signalerons l'exemplaire opération de promotion/fidélisation d'Apple qui offre aux premiers acheteurs de ses Mac Intosh des conditions de « mise à niveau » très attractives, ce qui permet de renouveler tout son matériel après un ou deux ans d'usage pour une somme bien inférieure à son simple amortissementÉ Les consommateurs d'informatique que nous sommes, feraient bien de l'exiger de tous les autres constructeurs, ainsi que des éditeurs pour ce qui concerne les logiciels. Terminons sur les standards en disant que les futurs réseaux locaux mettront bientôt tout le monde d'accord en permettant des échanges ou des partages de fichiers entre systèmes d'exploitation différents.
Il ne nous a pas semblé que les éditeurs aient choisi le SICOB pour présenter beaucoup de logiciels novateurs. Si l'on compte évidemment des dizaines de progiciels de gestion, les produits éducatifs brillent par leur absence (il est vrai qu'on a pu en voir au salon Educatec). Il n'empèche que la visite d'un salon comme le SICOB ferait penser que toutes ces belles machines ne servent qu'à gérer des trésoreriesÉ et encore à des tarifs le plus souvent prohibitifs . Qui fera baisser les prix des « transversaux » (tableurs, traitements de texte ou de données) comme la maison BORLAND (fondée par un français) le fait déjà aux Etats-Unis.?É
Pratiquement pas de vidéodisque et encore moins de CD ROM (1). Il faut néanmoins savoir que de grandes manÏuvres sont en cours sur ce terrain, il serait peut-être bon que nous n'attendions pas des nouveautés venues d'ailleurs. Espérons au moins que les lecteurs de vidéodisques interfacés prévus dans « Informatique pour tous » seront livrés et qu'une production de documents multimédias et vraiment interactifs les accompagnera.
Compte-tenu du nombre de Minitels installés 1 500 000 en janvier et 2 600 000 en décembre 86), de plus en plus d'adaptations de micro- ordinateurs en micro-serveurs étaient proposées. Si la baisse de prix des disques durs se poursuit, constituer son propore serveur (par exemple dans une école) ne sera plus qu'un problème de logiciel de communication (assez facile à résoudre car il en existe plusieurs) et de branchement téléphonique (question beaucoup plus épineuseÉ).
L'École libératrice - 1986
Article paru en 1986 présentant l'orientation stratégique du ministre de l'Education nationale (J.-P. Chevènement). Avec le recul du temps et les connexions à Internet, le retard de l'institution scolaire et son incapacité chronique n'apparaîtront que plus grands.
Que de belles et grandes choses eussent pu être faites ! Et que de redites jusque dans les propos actuels de nos "responsables". Qu'on en juge dans ces belles intentions restées lettre morte.
J'ai fait suivre cet article d'un état des équipements en 1986, tel que le décrivaient les satistiques du SICOB. On pourra y constater que dès cette époque lointaine notre préférence allait clairement au Macintoshmême dans un contexte politique défavorable à cause du plan Informatique pour tous et de ses errements et trahisons.