A1. De quelque nature qu'ils soient, les médias présentent synchroniquement et diachroniquement une fonction de création, d'essence jubilatoire, et une fonction de communication . L'alternance entre les fonctions de création et de communication peut être correctement décrite par la rotation incessante d'un dipôle dont chaque pôle correspondrait à l'une de ces fonctions. C'est ce que dans la suite, nous appellerons le dipôle médiatique fondamental :
A2. Les médias innovants (les " nouveaux médias ") passent en principe par une première période de développement pendant laquelle leur fonction de création est dominante (et sans doute liée à la prise de pouvoir individuelle des premiers " utilisateurs " ). La deuxième période (stabilisation, standardisation et diversification) voit la fonction de communication dominer sans que la fonction de création ne s'atténue ou ne disparaisse pour autant. Dans les périodes suivantes, qui sont plus ou moins étendues selon le seuil d'imbrication du média dans la société, on peut assister à une dégénérescence plus ou moins rapide au cours de laquelle la fonction de création s'atrophie jusqu'à disparaître, avant qu'émerge une nouvelle innovation médiatique relançant un nouveau cycle (cf. figure 1.2.).
Le schéma ci-dessous illustre la rotation incessante du dipôle et le primat alternatif accordé soit à la fonction de création, soit à la fonction de communication des médias. Nous avons représenté un cycle complet avec ses maxima successifs, une visualisation de cette rotation et les valeurs correspondantes des fonctions de création et de communication.
A3. Les médias de masse en phase ascendante uniformisent non seulement les contenus, mais les conditions de la réception individuelle de ceux-ci. Le système éducatif et culturel doit proposer des stratégies de réponses prenant leur source dans la " distanciation critique ". Les actions de socialisation des médias doivent se concevoir en termes de contenus (marketing pédagogique). Pendant cette période les " mass-media " sont totalitaires et " massifiants " .
A4. Les médias de masse en phase terminale de développement se diversifient de plus en plus. En ciblant leurs publics, ils individualisent leurs conditions de réception/consommation. Les médias ciblants deviennent par nature individualisants . Les stratégies de réponse doivent s'inspirer de la connaissance de leur complémentarité fonctionnelle et d'une " distanciation dialectique ". Les actions de socialisation des médias (ou de distanciation médiatique) se conçoivent en termes de praxis.
A5. Quel que soit le type de processus de communication, le récepteur interagit avec le système de communication lui-même. Cette interaction, parfois consciente ou inconsciente, volontaire ou involontaire s'articulera autour de l'auto-distanciation du récepteur. Nous la poserons comme immanente et la nommerons ADI (Auto-Distanciation Immanente).
A6. L'auto-distanciation immanente forme un second dipôle en se combinant avec les processus d'identification, de projection et de transfert. Nous le nommerons dipôle perceptif fondamental et le symboliserons par le couple ADI/IPT (Auto-Distanciation Immanente/Identification-Projection-Transfert) .
A7. Ce dipôle perceptif ADI/IPT connaît une rotation continue décrivant les alternances de distanciation et d'identification/projection/transfert. Cette modélisation nous permettra de rendre compte des différents processus de perception médiée ou médiatisée en montrant qu'ils dépendent essentiellement des seuils respectifs de médiation intra et inter-personnelle.
On notera l'analogie avec la modélisation du premier dipôle (concernant les fonctions de création et de communication). Cette analogie s'explique non seulement par le recours au même modèle physique (le dipôle), mais aussi par l'unité des variables déterminantes pour l'un et l'autre cas.
Le terrain apparaissant notoirement complexe et évolutif, il ne nous semble pas raisonnable de vouloir bâtir une théorie complète ou générale de l'appréhension ou de l'appropriation sociale des nouveaux médias, aussi nos hypothèses seront-elles plus pragmatiques et plus générales dans le but de mieux rendre compte de l'interaction des phénomènes que nous avons observés.
B1. Les institutions éducatives et culturelles ne peuvent pas plus prétendre socialiser la médiation technologique qu'elles ne parviennent à socialiser la connaissance. On rejoint là les thèses sur " l'école parallèle " ou " concurrente " en les généralisant à l'ensemble des connaissances médiatisées.
B2. Les critères d'appartenance politique ne semblent pas constituer un facteur différenciateur dans l'appréhension ou la compétence face aux problèmes rencontrés.
B3. Les institutions privilégient plutôt une approche " massifiante " vis-à-vis des médias, même lorsque ceux-ci sont réputés individualisants.
B4. Des espaces interstitiels assez larges permettent parfois d'engager des actions novatrices de grande ampleur, même et surtout dans des techno-structures pesantes et en apparence figées.
B5. Les institutions en phase de croissance ont tendance à se comporter comme des inhibiteurs de l'auto-distanciation. De même, les institutions en phase de décroissance ont tendance à laisser se diluer les inhibiteurs traditionnels de l'auto-distanciation.
Le terrain associatif apparaît encore plus mouvant que celui des institutions. De toutes les typologies des associations qui ont été esquissées, aucune ne peut prétendre rendre compte, ne serait-ce que d'un sous-ensemble bien délimité, de l'action bénévole ou non-régulière dans un domaine précis d'activités ou dans une aire géographique ou économique donnée.
Il n'est pas dans notre objet de dresser une typologie générale , mais il faudra bien borner notre champ et le mailler avec suffisamment de précision pour pouvoir décrire les effets particuliers et/ou généraux de tel ou tel média sur des pratiques sociales. Il conviendra de réaliser un premier inventaire des associations concernées de près ou de loin par les médias, afin de mieux cerner les caractéristiques essentielles du processus de " socialisation médiatique " qu'elles accompagnent, suivent ou précèdent, selon leur engagement " militant " et leurs moyens.
Nous distinguerons plusieurs types d'associations : celles qui se préoccupent de l'intérêt général, et celles qui sont au service d'un intérêt particulier, les associations-relais, -alibis, traditionnelles ou innovantes.
C1. Les associations d'intérêt général manifestent souvent un retard conceptuel important vis-à-vis des médias, elles ne les intègrent que fort tard, sous la pression publique ou institutionnelle.
C2. Les associations qui fixent les médias au cur de leurs actions principales connaissent souvent les phases décrites dans notre seconde hypothèse : au début, la fonction de création se trouve assez intensément privilégiée, et lorsqu'elles vivent assez longtemps, elles connaissent la deuxième phase (fonction de communication dominante) en cherchant parfois à s'institutionnaliser.
C3. Les associations qui recourent aux médias seulement comme instrument de promotion (ou de propagande) de leur action passent tout de suite à la seconde phase médiatique (fonction de communication). L'espérance de vie de ces associations dépend ainsi de la possibilité ultérieure de satisfaire correctement ou non à la première (fonction de création).
C4. Il existe de nombreux types de relations entre les associations et les institutions autour des médias audiovisuels et informatiques, et pratiquement tous peuvent s'éclairer par notre problématique création/ communication, distanciation critique/dialectique de nos hypothèses centrales.
C5. Les associations en phase de croissance ont tendance à se comporter comme des accélérateurs de l'auto-distanciation (hypothèse "anti-B5"). De même, les associations en phase de décroissance ont tendance à reconstituer les inhibiteurs (ou blocages) traditionnels de l'auto-distanciation
A ces hypothèses s'en ajoutaient d'autres concernant l'environnemet scio-économique ainsi qu'une série sur les actions envisageables et leur efficacité.
Le lecteur comprendra que je ne puisse dévoiler l'ensemble du travail, notamment la problématique (émergente et combinatoire).
J'ai néanmoins indiqué les principales hypothèses dont la recomposition dynamique engendre la problématique.
Qu'il soit permis de rappeler qu'un cerveau humain "normal" éprouve des difficultés à dépasser l'entendement de trois variables simultanées.
On imagine ce que ceci représente avec 17 hypothèses !! Et encore, elles ne sont pas toutes indiquées ici.
Pardon pour les scories non encore nettoyées !