N.B. Les notes ont été supprimées (seules restent leurs références)
Les travaux sur la sociologie des médias sont nombreux et variés, cependant peu de lignes de force semblent pouvoir en être tirées. Les médias apparaissent tellement protéiformes, en perpétuelle diversification quand ce n'est pas en division totalement anarchique (au sens biologique), que nulle théorie générale ne semble pouvoir rendre compte des conditions de leur développement dans la vie sociale. Si l'on commence à bien connaître les outils permettant d'en mesurer certains effets sociaux aussi bien individuels que collectifs, on dispose de peu de théories expliquant correctement les causes de leur apparition ou de leur différenciation, et encore moins de concepts éclairant les conséquences sociales, psychologiques, politiques et économiques de leur utilisation sociale intensive. Parallèlement, on ne recense en France que peu de travaux sur les associations ou groupements « non-marchands » du « tiers secteur », alors qu'il s'agit d'un phénomène d'une ampleur considérable, aussi bien du point de vue culturel que politique ou économique. Nous ne voulons pas croire que la raison de ce relatif manque d'intérêt résiderait dans un quelconque manque d'« exotisme ». Si l'on aborde simultanément le champ des associations et celui des médias, on entre dans un désert si peu cartographié qu'il vaut mieux ne pas oublier ses vivres (ou ses concepts) et sa boussole (ou sa méthode), alors que dans le même temps l'analyse économique des « industries culturelles » a fait florès et a donné lieu à bien des actions publiques ou gouvernementales, « libérales » ou « progressistes ».
Quelques travaux épars existent sur les associations, les médias et la vie sociale, mais il ne semble pas que l'on dispose non plus à ce jour en France, de « théorie des médias », susceptible de rendre compte des conditions de leur appropriation sociale ou de leur « socialisation », que ce soit par l'intermédiaire du secteur institutionnel étatique ou para-étatique, en principe chargé des processus de socialisation, d'instruction et/ou d'éducation des enfants ou par celui de « l'économie sociale », et des associations ou groupements « à taille humaine ». Si l'on essaie d'examiner comment les institutions ou les associations utilisent les médias, par quelles démarches les unes et les autres y recourent, on risque fort de se trouver en face d'une collection d'observations dont on aura le plus grand mal à tirer le moindre parti. Dégager des concepts généraux (voire opératoires), validés et certifiés, permettant de rendre compte des modalités et des conditions de socialisation des médias par le canal institutionnel ou associatif, et par là-même apporter une pierre à une éventuelle « théorie globale» constituera donc notre premier objectif. Le second consistera à analyser les actions qui ont déjà été menées dans ce domaine et à tenter d'indiquer selon quels axes et quelles stratégies il demeure possible de donner aux citoyens les moyens de prendre conscience et de réagir (ou de se « distancier ») en face de ce que nous nommerons provi-soirement « l'unidimensionnalisation croissante » de la vie sociale, ou la « mimesis conformiste » 4, principalement due à la segmentation progressive des contenus et à la différenciation des canaux de diffusion des informations. S'il fallait la résumer d'une phrase, notre recherche pourrait s'intituler « pour une socialisation des moyens de communication électronique » 5.
Cette volonté première de praxis exige que notre thèse s'articule sur une problématique de recherches et d'actions effectivement conduites, c'est pourquoi nous nous pencherons, entre autres, « sur notre propre passé », c'est-à-dire sur des travaux que nous avons menés pendant plusieurs années, ceci dans le but d'en dégager des conclusions pratiques, de préférence « transférables » vers d'autres contextes. A cet effet, il nous faudra questionner de nombreux domaines scientifiques et rechercher les racines historiques de nos concepts centraux, sans négliger l'interrogation de certains témoins directs.
Tout au long de ces années, les concepts initiaux se précisèrent, se relièrent, se densifièrent jusqu'à construire la présente thèse.
A chaque occasion qui nous fut donnée de concevoir un montage audiovisuel, une session d'enseignement ou de stage, un projet concernant les médias, des articles, des ouvrages ou des films, nous avons explicité au premier rang de nos préoccupations ce qui constitue l'essentiel des hypothèses énoncées ici. Qu'il se soit agi de nous adresser à des responsables associatifs ou institutionnels, à des syndicalistes, des Conseillers techniques de Cabinets ou des Ministres, aussi bien qu'à des élèves, des étudiants, des spectateurs ou des lecteurs, nous nous sommes toujours efforcé de présenter les points nodaux de nos analyses comme l'essentiel des finalités ou des objectifs à atteindre. Dans ces entreprises, nos idées connurent des fortunes diverses ; parfois nous eûmes le sentiment qu'elles progressaient et étaient reprises par les décideurs politiques ou les prescripteurs institutionnels ou associatifs ; parfois elles demeurèrent ignorées parce que les projets qui les accompagnaient ou qu'elles portaient furent abandonnés ou dénaturés en cours d'avancement. Nous connûmes la malchance qu'elles ne fussent jamais critiquées, pas plus au point de vue théorique que technique, ce qui nous a passablement gêné dans notre action quotidienne, car nous comptions fermement sur les critiques pour affiner ou améliorer nos propositions. Nous eûmes aussi la chance qu'elles n'aient subi à ce jour aucun détournement ou perversion, ce qui ne nous a pas pour autant démontré leur pertinence absolue sur le terrain.
Ajoutons enfin qu'en filigrane ou en parallèle des idées défendues ici, et conformément à notre ambition de déboucher sur une praxis, nous avons souvent essayé de faire passer au crible de notre démarche des médias auxquels elle n'était pas a priori destinée. Oserons-nous avouer qu'il nous est arrivé de tenter de la tester sur des sujets très différents appartenant à la vie sociale la plus généraleÉ et de constater sa validité. Le présent travail n'a d'autre objectif que d'affiner encore nos concepts ainsi que les actions qui les ont illustrés, jusqu'à réussir à les rendre multi-opératoires, et à leur donner si possible une audience et un impact encore plus larges. Lorsque Neil Postman, déclare qu'il est plus que temps que le système éducatif « apprenne aux jeunes à interpréter les symboles de leur culture » et les conduise « à mettre une distance avec leurs formes d'information » 8, son analyse, comme celles développées par d'autres sociologues nord-américains, comme Sherry Turkle correspondent très étroitement à nos propres réflexions, telles que nous les avions avancées et publiées dès octobre 1983.
Mais avant cela, cette thèse a pour première ambition de confronter ces hypothèses et ces travaux à une analyse et une critique suivies, sans lesquelles il ne saurait être question d'essayer de les généraliser.
Que les lecteurs en soient par avance remerciés.
REMERCIEMENTS
Outre les auteurs que j'ai fréquentés depuis plusieurs années, les collègues enseignants de terrain, les réalisateurs audiovisuels, les formateurs et autres analystes ou programmeurs ; les stagiaires, les étudiants, les élèves que j'ai côtoyés depuis déjà de longues années, j'adresse mes remerciements les plus sincères à mes proches qui ont supporté le monomaniaque que je fus en 1986 et 1987 ; à Annick, ma compagne qui m'accompagna dans la création avec la sienne, notre bébé,Jeanne-Ermine, qui allait naître juste entre le bouclage et la soutenance, à Clarence que j'ai privé si longtemps du Macintosh et de Mac-Paint qui l'amusait tant, à mes parents Huguette et Lucien Michel enfin qui sont venus ˆ la rescousse pour les tâches matérielles et leur soutien moral (comment oublier ces "ravitaillements en vol", qu'ils me préparaient la nuit avec un sandwich et un porto-flip !!).
Mes remerciements les plus sincères aussi à Nicolas Rodionoff qui a relu le texte, à Philippe Gay qui m'a donné l'idée de l'illustration de couverture.
Au cours de ce travail, j'ai souvent pensé à Jean
Painlevé, que je voudrais remercier tout spécialement
pour son rayonnement extraordinaire. Je ne peux terminer ces remerciements
sans exprimer une nouvelle fois ma gratitude à Jean Devèze
à qui je dois tant.
Le lecteur constatera l'ambition (!) du présent travail : rien de moins qu'une certaine forme de praxis
Il est vrai que s'agissant au moins partiellement d'une recherche-action, celle ci était déjà bien engagée au moment de la rédaction de la thèse.
J'y ai placé aussi les remerciements qui perdurent malgré les années.